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Hôpitauxmilitairesguerre1418 - Santé Guerre

« ARCHIVES ET DOCUMENTS DE GUERRE » AU VAL-DE-GRACE (1916)

11 Septembre 2013 , Rédigé par François OLIER Publié dans #recherche archives documentation

Cet article se propose de présenter les « origines » du musée du service de santé des armées, au Val-de-Grâce à Paris, dont les collections « administratives » uniques, bien connues des chercheurs, illustrent l’oeuvre du service de santé militaire durant la Grande Guerre.

« La Guerre qui détruit tout a cependant fait naître quelques œuvres utiles, et amélioré des institutions qui méritent d’être conservées. » (Jean Bonnerot, La bibliothèque centrale et les archives du service de santé au Musée du Val-de-Grâce, 1918).

Une création de la Guerre

Le 5 mai 1916, moins de trois mois après le début de l’offensive allemande devant Verdun, naissait au Val-de-Grâce à Paris, le « service » dénommé « Archives et documents de la Guerre » (circ. n° 78-Ci/7 du 5 mai 1916) destiné « à réunir et conserver tous les objets et documents qui, à un titre quelconque, touchent à l’organisation et au fonctionnement du service de santé ». L’ensemble ainsi défini qui dépassait le cadre exclusivement documentaire avait été inauguré le 2 juillet 1916 par Justin Godart (1871-1956), sous-secrétaire d’Etat au service de santé militaire qui était à l’origine de la pérennisation d’un projet né sur le front de Verdun. Justin Godart s’était inspiré du travail pionnier effectué par le médecin inspecteur général Alfred Mignon (1854-1936), chef du service de santé de la IIIe armée, ancien directeur de l’école du Val-de-Grâce (1912-1914) qui avait constitué en 1915 à Bar-le-Duc, à des fins pédagogiques, un petit « musée » anatomo-clinique conçu par les docteurs Henri Billet et Léon Henri Henri-Martin (1864-1936) le célèbre anthropologiste et préhistorien qui poursuivit après Bar-le-Duc son activité au Val-de-Grâce.

Les « Archives et Documents de la Guerre », devenus plus universellement - par la perte de son article - « Archives et Documents de Guerre » étaient organisés en quatre sections : musée anatomo-clinique ; galerie des matériels ; musée historique et la section « Archives-bibliothèque » qui est toujours présente en 2013 sur le site du Val-de-Grâce (Musée du service de santé des armées et bibliothèque centrale du service de santé des armées). Nous allons orienter notre article sur cette dernière section qui est à l’origine du fonds de l’actuel centre de documentation du musée du service de santé des armées.

Dès la création, l’on trouvait aux « Archives et Documents de Guerre » :

- deux bibliothécaires de la Sorbonne : Jean Bonnerot (1882-1964) et Edmond-Maurice Lévy (1878-1971) le « chapelain hébraïque » de Charles Péguy furent chargés de la bibliothèque et des archives ainsi que de l’élaboration de la bibliographie du service de santé militaire pendant la guerre ;

- un rédacteur de l’agence Havas, M. Léon Deffoux (1881-1944) qui reprit le dépouillement des coupures de presse, initié dès 1914 par le médecin major de 1ère classe Jean-André Lamoureux (1872- ?) à la 7e direction du ministère. Ce monsieur Deffoux dont le journal l’Aurore précisait, en 1944, dans sa notice nécrologique que ce « modeste » accusé de collaboration était un « bénédictin de la littérature (…) un érudit sans prétention » ;

- un docteur en médecine, « philanthrope et auteur dramatique », M. Henri de Rothschild (1872-1947) fut chargé des travaux photographiques. Sa philanthropie paraît s’être également étendue, de 1916 à 1918, aux aménagements des collections dont il prit à sa charge la plus grande partie des frais d’installation et de restructuration ; ce qui explique, en partie, la rapidité de l’aménagement du nouveau musée alors que nous sommes en pleine guerre.

Cette équipe réduite d’idoines fut placée sous la direction du médecin principal de 1ère classe - devenu inspecteur en 1917 – Octave Jacob (1867-1928).

Le nouveau service s’employa dès le mois de mai 1916 à rassembler les pièces d’archives significatives de l’œuvre du service de santé durant la guerre (Circ. n° 78-Ci/7 du 6 mai 1916 et n° 104-Ci/7 du 20 mai 1916). Il commença par les « documents officiels, instructions et circulaires » dont les 1612 circulaires produites, du 4 août 1914 au 31 décembre 1917, par l’administration centrale (7e direction et sous-secrétariat d’Etat) puis il poursuivit sa collecte par l’ensemble des rapports techniques provenant des régions militaires qui furent classés par spécialités médicales. Enfin il amorça en 1917 le classement des notices historiques des hôpitaux fermés rédigées par les bureaux d’archives des directions régionales (circ. n° 454-Ci/7 du 15 mars 1917), services régionaux d’archives dont Jean Bonnerot impute par révérence la paternité à M. Alexandre Vidier (1874-1927) inspecteur des bibliothèques détaché auprès de Justin Godart et que, pour ma part, j’attribue à l’adjudant André Lesort (1876-1960), archiviste-paléographe affecté à la direction régionale du service de santé de la 10e région militaire de Rennes. Cet ensemble documentaire s’enrichira ultérieurement d’autres versements : « rapports des missions médicales françaises en Serbie et au Caucase ; les rapports des médecins rentrés de captivité – dont je publie depuis plusieurs mois de larges extraits dans ce blog – les journaux de marches et opérations » (Bonnerot, p. 77). A la même époque, M. Justin Godart fit également verser au Val-de-Grâce (circ. n° 467-Ci/7 du 20 mars 1917) la documentation administrative de la mission Levasseur, du nom d’Arthur Levasseur (1875-1955) député de Paris, chargé de réunir « les documents concernant les méthodes administratives et financières du service de santé et notamment ceux relatifs aux réalisations [non médicales] d’ordre d’industriel et commercial ». Cette masse de rapports, de statistiques et de graphiques était susceptible de servir à écrire une « histoire économique de la France » d’après-guerre (Bonnerot, p. 84).

D’une manière générale les versements s’opéraient «au fil de l’eau ». Nous étions en guerre et la préoccupation des chefs du service de santé des armées engagées n’était pas au versement des archives mais, en 1916, à l’évolution du conflit à Verdun puis sur la Somme.

Hormis ces archives produites par la Grande Guerre, Justin Godart fit également reverser, dès le 16 mai 1916, les anciennes archives et manuscrits appartenant à la bibliothèque du Comité technique de Santé dispersées dans les locaux de l’administration centrale « santé », dont les pièces les plus anciennes (1777) remontaient aux origines du Comité. Les archivistes, plutôt désœuvrés sur la partie contemporaine de leur mission, s’attelèrent d’emblée à en réaliser l’inventaire détaillé et à regrouper les fonds documentaires éparpillés ou laissés « sans soins » au contact quotidien des usagers des bureaux ; l’inventaire signé Bonnerot ne comprenait pas moins de 147 cartons.

Le musée du Val-de-Grâce : « Encore un repaire d’embusqués ! (…)»

L’appellation « Archives et Documents de Guerre » au Val-de-Grâce recouvrait, nous l’avons vu, quatre entités distinctes et autonomes, installées dans les locaux de l’école d’application du service de santé. Dans un but de simplification, le 29 avril 1918, le nouveau sous-secrétaire d’Etat M. Louis Mourier (1873-1960) faisait publier un nouveau décret « qui consacrait l’œuvre naissante et déjà prospère » (Bonnerot) en fusionnant, sous le nom de « Musée du Val-de-Grâce » les différents services existants… ou « à venir ».

Autant l’arrêté de 1916 était passé inaperçu, autant le décret de 1918, œuvre d’un « bureaucrate exalté », fut commenté, parfois vertement (ex : Le Temps du 31 mai 1918, n° 20782). Pouvait-il en être autrement ? Les Allemands en pleine offensive étaient à Noyon et Clémenceau avait toute autre chose à faire qu’à se préoccuper de musées. L’opinion, soumise à la censure, pouvait à juste titre s’émouvoir du maintien de nos « archivistes militaires », fussent-ils du service auxiliaire, tenus éloignés des tranchées, dans des sinécures qui fleuraient bon l’embusquage.

En illustration de ce courant critique de l'opinion, l’extrait du pamphlet féroce de Henry de Golen, dans Scandales médicaux pendant la guerre (d’Hartoy, 1933, p. 97-98) consacré en totalité à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce [1916-1918], qui fait dire à l’un de ses protagonistes : « [le musée de l’Armée (sic)] – Encore un repaire d’embusqués ! La dernière trouvaille du service de santé ! Une entreprise de poudre aux yeux ! Une sinécure pour profiteurs ignares ! Un asile pour les foireux, galonnés ou non, qui craignent pour leur peau ! Une usine de confection de hauts appointements, de passe-droits, d’avancements en grades ! Une fabrique de décorations imméritées. Le musée de l’Armée emploie un personnel indéfini dont le quart serait amplement suffisant ! » (…)

Il n’en demeure pas moins que ce « musée du Val-de-Grâce », musée de circonstance, né du conflit mondial, poursuit aujourd’hui encore ses activités à la veille du Centenaire de la Grande Guerre. Il met à la disposition du plus grand nombre, des collections uniques qui se sont enrichies depuis 1916.

Photo : CPA. Musée du Val-de-Grâce (ca1920), collection des moulages - De nos jours, transformé en amphithéâtre de l'Ecole du Val-de-Grâce (amphithéâtre Rouvillois).

Pour en savoir plus (dans ce blog) : 

Sur André Lesort (1876-1960), le "père" des archives médicales 1914-1918

sur René Bonnat, autre archiviste du service de santé (1917-1918):

Sur les Archives médicales du service de santé militaire (1914-1918)

Mise à jour : 6 octobre 2017

 

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