Exposition 14-18 - "Poussières de guerre" en Limousin (août 2014)
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Dès le 2 août 2014 !
Le Pays Monts et Barrages et la Première Guerre mondiale
Texte des organisateurs :
L'exposition itinérante du Pays d'art et d'histoire présente Monts et Barrages pendant la guerre de 14-18, la manière dont le conflit a été vécu par ses habitants, au front comme à l’arrière, son impact sur ce territoire rural et les traces mémorielles qu'il en reste aujourd'hui. Le tout illustré par les témoignages et documents collectés auprès des familles du territoire.
Du 2 au 16 août 2014 - du mardi au samedi de I4h à I8h - Mairie d’Eymoutiers - Salle d'exposition (niveau 4)
Du 19 au 31 août 2014 – du mardi au samedi de I4h à I8h et le dimanche 31 août de 14h à 18h – à Saint-Léonard-de-Noblat, rue Salengro, salle des conférences
Toutes les animations du Pays d’art et d’histoire réalisées dans le cadre du Centenaire 14-18 sont gratuites !
Ces deux villes du Limousin possédaient de grands hôpitaux militaires : à Eymoutiers, l'hôpital complémentaire (HC) n°31 et l'hôpital bénévole (HB) n°26bis ; et à Saint-Léonard-de-Noblat, les HC 35 et HB 119bis... Pour en savoir plus sur les 1950 hôpitaux militaires et annexes du Sud-Ouest : Olier et Quénec'hdu. Hôpitaux militaires dans la Guerre 1914-1918, Louviers : éditions Ysec, tome 3, 2011, 334 pages.
Calendrier et dates des visites guidées (p. 3)
MATHURIN MEHEUT AU FRONT, 1914-1918
Exposition, du 1er avril au 31 décembre 2014, au Musée Mathurin Méheut de Lamballe (Côtes-d’Armor)
Le musée Mathurin Méheut de Lamballe nous présente en 2014 une exposition labellisée « centenaire 14-18 » sur l’œuvre de Mathurin Méheut (1882-1958) durant la Grande Guerre. Toujours en recherche de thématiques « sanitaires », j’ai été irrésistiblement attiré par l’affiche de présentation de l’exposition représentant deux magnifiques brancardiers. Qu’à cela ne tienne, direction Lamballe.
L’exposition est installée dans les locaux de la belle « maison du bourreau » de la place du Martray (Musée Méheut) ; elle tient en deux salles à l’étage et présente « au coude à coude alignement » une fraction de la remarquable collection de dessins de Mathurin Méheut aux armées. Ces documents s’admirent eux-aussi « au coude à coude » tant le succès est présent… Malheureusement elle a subi un tri « sélectif » - pour en avoir admiré de riches éléments à Brest (1988), à Coëtquidan (1995), etc. - en raison probable de l’exiguïté des locaux et de prêts circonstanciels liés au Centenaire. Le discours scientifique de l’exposition qui met l’accent sur l’illustration de la dimension historique – exemple : Clémenceau au front - reste cependant parfaitement « audible ».
En tout état de cause, en matière de « sanitaire » il y a peu à glaner – pour un « furieux » comme moi, cela s’entend - : une estampe rehaussée de gouache, quelques « crayonnages » tout au plus représentant de nombreux blessés dont des prisonniers de guerre allemands. En dépit de leur sempiternelle présentation « étriquée » l’œuvre de Mathurin Méheut rayonne et ses gouaches colorées parviennent à illuminer l’horreur de la guerre et à dominer cette tristesse qui nous étreint à la vue de tant de destructions. Ce regard décalé ne peut qu’impressionner le visiteur, d’autant qu’il émane d’un véritable artiste combattant. A ses premières armes dans la « Grande Boucherie » et avant un « embusquage institutionnalisé » – comme tant d’autres artistes connus -, Mathurin Méheut (1882-1958) était un chef de section, cité, au 136e régiment d’infanterie de Saint-Lô.
Exposition à voir absolument et à méditer sans modération…
Mon coup de cœur… prévisible. : Mathurin Méheut. Brancardiers de [à] la Croix-Rouge, 1916 [sic]. Estampe rehaussée de gouache sur papier – 21,8x16,5 – Coll. Musée Mathurin Méheut de Lamballe, 1983.1.A.15.
Cette petite estampe - sujet de l'affiche de l'exposition - est accompagnée d’une photographie de l’hôpital d’évacuation (HoE) de Mont-Frenet sur laquelle l’on peut distinguer des véhicules d’une section sanitaire automobile russe (cf. Olier et Quénec’hdu. Hôpitaux militaires…, t. III, Louviers : Ysec, 2011, p. 45-47, sur les sections sanitaires automobiles, dont les russes).
Texte de présentation du commissaire de l’exposition : « Méheut est au Japon lorsque la Mobilisation est décrétée le 1er août 1914. Dans l’enfer des tranchées, il nous livre un témoignage sur la Grande Guerre grâce à ses nombreux croquis qui relatent la vie quotidienne mais aussi la dure réalité du conflit. Au-delà de l’intérêt artistique des dessins de guerre de l’artiste, cette exposition souhaite mettre l’accent sur leur dimension historique en les illustrant de documents d’archives, de petit matériel, de photographies et de films, empruntés au Musée de la Grande Guerre de Meaux et à l’Etablissement de Communication et de Production Audiovisuelle de la Défense ».
Orientation bibliographique : L’incontournable : Jude (E. et P.). Mathurin Méheut 1914-1918. Des ennemis si proches. Rennes : Ouest-France, 2001-2014, 144 p. – que l’on peut encore se procurer (juillet 2014) à l’efficace Office du Tourisme de Lamballe.
Pour en savoir plus sur les hôpitaux militaires de Lamballe, des Côtes-du-Nord, de Bretagne, du Nord-Ouest en 1914-1918 : Olier et Quénec’hdu. Hôpitaux militaires dans la Guerre 1914-1918, tome 1, Nord-ouest, Louviers : Ysec, 2008, 302 p.
Lamballe (notice complétée) : Hôpital complémentaire n°71, installé à Lamballe dans les locaux de l’hôpital civil Villedeneu, rue du Jeu-de-Paume, avec deux annexes. L’ensemble comprend 130 lits. L’HC 71 est ouvert le 9 septembre 1914. Il est immatriculé sous le n°71 le 15 novembre 1914. Il ferme comme formation hospitalière militaire le 10 janvier 1919. A la fermeture, les malades et blessés militaires continueront, comme Avant-guerre, d’être accueillis dans les infrastructures redevenues civiles. Les personnels de l’HC n°71 : les docteurs Ageorges, Badin, Baque, Chesnais. Le service chirurgical est assuré par les docteurs Ageorges et Denisty ; ce dernier est un médecin bénévole belge originaire de Bruxelles. Les pharmaciens sont MM. Simon et Daniel. Le gestionnaire bénévole est M. Joseph Collet.
Mise à jour : 1er juillet 2015
Le Service de santé au combat de Lagarde (11 août 1914)…
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Le Service de santé au combat de Lagarde (11 août 1914)… un nouveau témoignage inédit…
A la veille du centenaire du combat de Lagarde (10-11 août 1914), je vous propose un nouveau témoignage inédit sur cette courte offensive française qui se transforma en véritable désastre (près de 2000 tués, blessés et disparus – dont 500 tués). Il n’est pas dans mon intention de retracer dans le détail cette malheureuse opération dans laquelle furent engagés deux bataillons d’infanterie (2/40e RI et 3/58e RI) et un groupe d’artillerie (1/19e RAC). Vous trouverez dans les sources « in fine » matière à réflexions sur cet engagement traité plus particulièrement par l’historien lorrain Jacques Didier (Lagarde, Ysec, 2006).
« Le 10 août 1914, la 2e division de cavalerie française monte une opération surprise pour s’emparer du village de Lagarde, en Moselle annexée, avec deux bataillons de la 59e brigade. L’action est menée rapidement et sans opposition adverse. Mais le lendemain, les Allemands contre-attaquent. L’artillerie prépare le terrain efficacement en neutralisant les pièces françaises, qui sont finalement enlevées par une audacieuse charge d’uhlans. L’infanterie attaque ensuite le village, où les défenseurs français, isolés, sans espoir de renforts, succombent les uns après les autres. L’armée allemande, dès les premières journées de la guerre, fait ainsi une démonstration éclatante de sa puissance et de son efficacité (J. Didier) ».
Notre témoin, le docteur Louis-Frédéric-Etienne Lambert, de Lyon (1881- ?) est déjà connu au travers du témoignage qu’en a donné le docteur Fouquier dans un autre article du blog (4 septembre 2013).
Le docteur Lambert fut apparemment - avec le docteur Paul Escalier (cf. annexe) - le dernier survivant des médecins des deux bataillons engagés à Lagarde ; il nous a laissé trois rapports adressés à des destinataires et à des dates différentes qui traitent des vicissitudes du service de santé à Lagarde.
I - Compte-rendu du médecin auxiliaire [Louis] Lambert, en date du 20 novembre 1914, adressé au médecin-chef du 58e régiment d’infanterie sur les combats de Lagarde.
[page 12] Lyon le 20 novembre 1914 - Monsieur le Major,
A mon retour d'Allemagne j’ai pensé que peut-être vous seriez désireux d'être instruit de ce qui est advenu du personnel du Service de santé du 3e bataillon engagé dans l'affaire de Lagarde. Et comme probablement je suis le seul survivant, je prends la liberté au milieu de vos occupations, de vous envoyer la relation de nos misères.
Au début de l’action nous avions installé notre poste de secours à 5-600 mètres de la ligne de feu un peu en arrière des fourgons de munitions dans un repli de terrain qui nous paraissait un abri suffisant ; nous étions en rase campagne, le bruit ayant circulé que l'ennemi devait bombarder le village.
Déjà quelques blessés arrivaient, les paniers étaient ouverts et nous commencions notre travail lorsque subitement des obus tombèrent autour de nous, presqu'au même moment une grêle de balles venant de notre droite crépitait autour de la voiture et fauchait instantanément presque tout le monde, Doudet [Fernand Daudet] tombait des premiers le pied traversé, bref en quelques minutes il ne restait plus qu'un infirmier et moi, je place Doudet [Fernand Daudet] et quelques blessés à l'abri autant que faire se pouvait dans le petit fossé qui bordait la route. L'idée de gagner le village s'offrit tout de suite à moi mais une mitraille épaisse passait par là comme le montraient les pertes du poste médical du 40ème qui se trouvait un peu en avant de nous. Je pensais donc à me retirer plus en arrière pensant revenir prendre mes blessés, la voiture me précédait sous une grêle de balles et nous fîmes [page 13] ainsi une centaine de mètres, et en m'attardant à tirer un blessé dans le fossé, j'ai été atteint par l’éclatement d'un obus. De petits éclats et une balle pénétrèrent, la balle entraînant un bouton de culotte me brisa le bassin [à] trois centimètres de l'articulation sacro-iliaque, traverse l'abdomen par un trajet oblique et vint s'arrêter contre la peau au niveau de l'ombilic donnant lieu quelques jours après à un phlegmon de la paroi. Dès Iors je suis resté couché par terre sous le feu de mitrailleuses, ignorant ce qu'est devenu la voiture et l'infirmier qui l'accompagnait. Bref, Mauchant [Joseph Beauchamp], l'aide-major disparu dès le début et tout le personnel blessé ou mort, tel est le bilan de la journée.
Pour ma part, après avoir essuyé un ou deux coups de feu, j'ai été ramassé et obligé de marcher, pour comble de malheur, j'ai rencontré un détachement du 138ème allemand qui s'est jeté sur moi, m'a arraché mon équipement, mes vêtements, ma chemise, mes cheveux, m'a couvert de crachats. En dernière analyse, après avoir été menacé d'être fusillé, parce que je refusais de marcher, j'ai été envoyé d'une bourrade sur le tas de fumier qui se trouve au croisement des deux routes. J'ai enfin été recueilli par la Croix-Rouge allemande qui m'a fort bien traité à tous égards.
Les 14 et 15 [août], tout seul des 731 blessés français évacués à Dieuze, J’ai été laissé isolé et n'ai eu de soins que grâce à la charité de quelques jeunes filles du pays et à l'intervention d’un médecin civil, le docteur Husson qui me fit transporter à l'hôpital civil. Les 19 et 20 [août] je suis redevenu Français, mais des phénomènes péritonéaux encore intenses ont fait que malgré mes supplications je n'ai pas été évacué et que j’ai eu la douleur de voir repartir les nôtres....sans moi. [page 14] Je n'aurais plus rien à vous dire de cette lamentable odyssée si je n'avais été, dans les premiers jours de septembre, victime de la dénonciation d'un officier qui prétendait que je lui avais déclaré et que d'ailleurs il m'avait vu tirer sur les allemands. En prévention de Conseil de guerre, j'ai été interrogé par un juge militaire puis le silence s'est fait sur cette affaire et j’ai été finalement expédié par la Suisse à Lyon où je suis en congé de convalescence de trois mois attendant avec impatience le moment de repartir.
J'ai pensé, Monsieur le Major, que ce petit aperçu des faits et gestes allemands pourrait vous être utile, cela me permettait, d'autre part, de vous assurer à nouveau combien j'ai été touché de la bienveillance avec laquelle vous m'avez témoigné votre Intérêt pendant le trop court délai où je suis resté sous vos ordres.
Signé : Lambert. Docteur Lambert, ancien interne des Hôpitaux de Lyon. 6 quai de la Bibliothèque, Lyon.
N.B. Pendant mon séjour en Allemagne, je n'ai eu aucun détail sur les militaires du 58e et je sais depuis mon retour que l'on est toujours sans nouvelles de Doudet [Daudet].
II – Rapport du médecin aide-major Lambert, en date du 25 mai 1915, sur le service de santé du 3e bataillon du 58e de ligne, au combat de Lagarde.
[page 9] A Lyon le 25 mai 1915 - Médecin aide-major Lambert (réserve). Né le 14 novembre 1881. Interne de Lyon. Aide d'anatomie - Aide-major de 1915.
J’ai l’honneur de vous rendre compte des faits survenus au cours de ma courte campagne de 1914 et pendant sept semaines de captivité. Le poste de secours, du 3e bataillon du 58e de ligne, auquel j'étais affecté fut engagé à Lagarde le 11 août et fut bientôt pris sous le feu de l'ennemi. En quelques Instants il ne resta plus que le conducteur de la voiture médicale, un infirmier et moi. Mes deux confrères le docteur Beauchamp d'Orange et Daudet interne des hôpitaux de Paris disparu depuis avaient été atteints presque immédiatement par des balles de mitrailleuses. Avec l'aide du dernier infirmier, je rechargeai les paniers de la voiture médicale et donnai l’ordre de la conduire plus en arrière. Cette voiture fut peut-être le seul véhicule qui put rejoindre la France de tous ceux du 3e bataillon amenés à Lagarde ainsi que me le fit connaître à mon retour mon chef de service Monsieur le Médecin aide-major de 1ère classe Vidal.
Pour ma part désirant mettre à l'abri les blessés que j'étais obligé de laisser, je m' attardai à transporter ceux qui étaient autour de moi, dans le fossé qui borde la route, et c'est en rejoignant la voiture pour établir un autre poste à l’abri des mitrailleuses que je fus atteint par l’éclatement d'un obus. Je reçus une balle avec plusieurs éclats qui entraînant un bouton de culotte ainsi qu'en font foi des radiographies m'occasionnèrent une fracture [page 10] du bassin et la balle poursuivant son trajet du sacrum vers l'ombilic fut arrêtée à la peau.
A la fin du combat, lors de la relève, j'essuyai, bien que couché à terre, deux coups de feu, un notamment tiré de très près, pour être assis et opposé à l'achèvement d'un blessé qui ne pouvait marcher. Relevé à mon tour et contraint à marcher, je rencontrai un détachement du 138ème allemand qui se rua sur moi, me frappant, déchirant mes effets, me crachant au visage et lorsque, épuisé, je déclarais ne plus pouvoir marcher, je fus menacé d'être fusillé puis jeté sur un tas de fumier à l‘intersection des deux routes qui traversent Lagarde. Dans la soirée je fus transporté au lazaret de Dieuze puis abandonné à cause de la gravité de ma blessure abdominale. Je restais les journées des 14 et 15 août complètement seul et n'ayant de soins que par la pitié des habitants du pays qui m'amenèrent à l'hôpital civil. Là je revins aux mains des Français les 18, 19 et 20 août, mais bientôt j'eus la douleur de voir repartir mes compagnons et de retomber au pouvoir des Allemands. Je fus alors opéré d'un phlegmon de l'abdomen par un chirurgien de Nuremberg [probablement le docteur Burkardt, mentionné à Dieuze dans le rapport Fouquier] et depuis mon arrivée à l'hôpital, je n'aurais plus lieu de me plaindre, si vers le 10 septembre, je n'avais été accusé par un officier du 138ème [allemand] d'avoir fait usage de mes armes. J'ai tenu la lettre entre mes mains mais je n'ai pu me rendre compte si j'étais accusé d'avoir achevé des prisonniers ou d'avoir combattu comme soldat. Bref je fus en prévention de conseil de guerre et interrogé en allemand par un juge militaire assisté d'un sous-officier interprète. L'affaire en resta là grâce à l'appui d'un confrère allemand.
Dès cette époque, nombreux étaient les blessés français, un jeune médecin auxiliaire actuellement à Porquerolles, M. Fouquier [page 11] avait été laissé à l'hôpital de Dieuze où il prodiguait ses soins à tous sous la direction dévouée du médecin du pays Monsieur le docteur Husson. Néanmoins étant donnée l'orientation chirurgicale de mes études et malgré mon état précaire je fus prié d'opérer un certain nombre de blessés graves, notamment le capitaine Vallier du 61e qui présentait une balle de shrapnell ayant passé d'une région inguinale à l'autre. Le capitaine Vallier est actuellement guéri au camp de Heidelberg.
Enfin au 26 septembre on décida notre évacuation et nous fûmes renvoyés en France avec M. Fouquier après un voyage en 4e classe de quatre jours de durée. Au 30 septembre nous arrivions en Suisse où chacun s'évertua à nous faire oublier nos tribulations. Depuis lors je suis en congé de convalescence à Lyon avec le diagnostic suivant : Fracture du bassin - plaie pénétrante de l'abdomen. Claudication - modifications à la dynamique gastrique et intestinale par brides ou cicatrices - troubles vésicaux. Corps étrangers à la région sacrée, du passiliaque [psoas-iliaque], de la cavité abdominale et la région fessière. [signé :] Lambert. 6 quai de la Bibliothèque Lyon.
III - Rapport du docteur Lambert, médecin auxiliaire au 58e régiment d’infanterie, sur sa blessure au combat de Lagarde (11 août 1914), son calvaire et ses suites… en date du 1er janvier 1915
Ce rapport est inclus dans un courrier adressé par le colonel Jaguin, commandant le 58e régiment d’infanterie, en convalescence, au général, commandant les subdivisions de Nîmes, daté d’Avignon, du 1er janvier 1915.
« [page 2] Au cours du combat de Lagarde le 11 août le poste de secours fut subitement exposé à un feu très violent et le personnel médical atteint presque en totalité. Désirant trouver un abri, je rechargeais avec l'aide d’un dernier infirmier la voiture médicale et donnais l'ordre au conducteur de partir.
Mais les blessés étaient exposés au feu, je les plaçais avant de m'éloigner à l’abri dans un fossé et c'est en les quittant que je fus atteint par l'éclatement d'un obus. Je me rendis compte qu’un projectile entré en arrière presque au niveau du sacrum m'avait traversé l'abdomen et était venu frapper en avant au niveau de l'ombilic. De midi à cinq heures, je suis resté exposé à un feu des plus vifs couché à terre derrière un arbre. Vers cette [sept] heures le feu cessa, je m'adossais au talus et à la vue des soldats je criai "à moi" en levant un bras. Immédiatement un de ces hommes épaula son fusil se tourna vers moi et malgré mon immobilité fit feu. Je fus manqué et me recouchai la face contre terre et ne relevai plus la tête qu'aux cris déchirants poussés par un soldat, un second coup de feu retentit et je perçus une deuxième balle s’enfoncer près de moi. Ces deux coups de feu furent tirés à une distance de cent à deux cents mètres, il est juste de dire que pour le second je n’ai pas vu le soldat me viser comme pour le premier. Les cris étaient poussés par un Français blessé qui tenait à deux mains une baïonnette allemande ; le prussien avait probablement piqué ce blessé et il cherchait à se protéger. A ma prière le prussien n’appuya plus son arme et j’expliquai au malheureux français ce que l’on exigeait de lui par ces “hoch" assourdissants.
A mon tour je fus abordé par un soldat prussien, je lui fis connaître en allemand ma qualité de médecin et la gravité de ma blessure ; il fut très doux mais m'obligea è me lever et à marcher. Il m'offrit pour cela l’aide de son bras et me procura [page 3] une canne en cassant une lame abandonnée.
Je m’efforçai de marcher appuyé sur mon conducteur lorsque je rencontrai un détachement du 138ème allemand. A ma vue ces soldats se mirent à pousser des hurlements me menaçant de leurs fusils et de leurs baïonnettes, puis malgré mes protestations et celles de non conducteur me dépouillèrent de mes vêtements, me crachèrent au visage, me bousculant et me frappant. L'un d'eux m'arracha si brutalement mon képi de la tête qu'il l'emporta avec bon nombre de cheveux. Au bout de quelques instants le détachement ayant été dépassé, harassé Je déclarai ne plus pouvoir marcher.
Un sous-officier me menaça en disant : "si vous ne pouvez plus marcher on va vous fusiller" tout cela en allemand bien entendu. Je protestai de mon mieux arguant de ma double qualité de médecin et de blessé quand d'une bourrade le sous-officier m'envoya rouler sur un fumier qui se trouvait là (à la croisée des deux routes qui se coupent vers Lagarde) et m’enjoignit d’y rester quand il vit que je cherchais à me traîner à côté.
Je n’avais alors pour vêtement que ma chemise tiraillée et déchira en plusieurs endroits mon pantalon auquel avait été arraché plusieurs boutons. Je restais donc couché sur ce fumier exposé à un soleil ardent sans coiffure, harcelé par les mouches et sentant sur mes mains ramper les vers qui foisonnaient. Des artilleurs eurent pitié de mon sort ils me donnèrent à boire à deux reprises, m'apportèrent un morceau de toile pour me couvrir la figure mais aucun n’osa probablement enfreindre l'ordre du sous-officier et je restai sur le fumier.
Une colonne sanitaire s'approcha de moi et avec les plus grands soins me fit un pansement. On s'apprêtait à me transporter quand [page 4] un officier donna l'ordre de s'occuper des allemands d'abord. Je restais donc sur ce fumier pendant deux heures environ puis je fus transporté à l'ambulance régimentaire où je fus pansé à nouveau. Le médecin m'accompagna jusqu'à une automobile et recommanda de marcher très doucement. Je fus ainsi transporté à Dieuze le 11 août dans la soirée. Les 12 et 13 août je reçus des soins éclairés à l'hôpital militaire de Dieuze. Néanmoins dès le lendemain une péritonite évoluait marquée par des vomissements, de la température, le pouls rapide.....mon état me semblait désespéré. Le 14 [août] avant le jour les allemands évacuèrent le lazaret et me laissèrent seuls. Infirmiers, soeurs avaient disparu, des jeunes filles du pays vinrent par commisération 2-3 fois m'offrir à boire. Dans la soirée le lazaret fut réoccupé pendant quelques heures puis évacué à nouveau. C’est seulement le 15 août vers quatre heures de l'après-midi que, sur les instances d'un médecin de Dieuze, je fus transporté à l'hôpital civil où je reçus des soins empressés et cordiaux.
Les 19 et 20 août les Français occupèrent Dieuze mais à cause de la gravité de mon état, aucun médecin n'osa accéder à mon désir et me faire transporter. J'assistais donc de mon lit à la bataille de Dieuze et après la retraite française je fus repris par les Allemands ; j’eus alors de nombreux compagnons alors que du 14 au 19 j'étais le seul blessé laissé par les allemands à Dieuze. Après l'ouverture d'un phlegmon abdominal, ma convalescence marcha rapidement et le seul incident à signaler est une mise en accusation devant le conseil de guerre.
Par une lettre un officier déclarait que je lui avais affirmé et que d'ailleurs il m'avait vu (je ne suis pas absolument sur de cette dernière proposition) faire usage de mes armes [page 5] contre des blessés ou des soldats. Un juge avec un greffier et un sous-officier interprète vinrent m'interroger dans mon lit. Le juge se montra d'une correction parfaite, voulut bien donner créance à ma défense et ajouter foi à cet axiome qu’aucun médecin français ne pouvait être oublieux de ses devoirs et de sa mission.” Je fus également très soutenu par un autre médecin de Dieuze le Dr. Stach Von Gol[z]heim.
Enfin le 26 septembre je fus renvoyé vers Bâle en wagon de quatrième classe, sauf de Dieuze à Strasbourg où je voyageai en deuxième classe. La radiographie faite à Lyon a montré que je présentais une fracture du bassin en arrière, une balle de shrapnell dans la paroi abdominale antérieure et plusieurs éclats d'obus profondément dans le bassin. » [signé : Lambert].
Le court témoignage attribué à un médecin allemand :
Carnet de route d’un médecin allemand (Oberartz Walter de l’armée bavaroise ; prisonnier de guerre le 27 août 1914 à Hériménil)
« A ce moment, arrive la compagnie sanitaire. Spectacle pénible… Il y a des blessés partout et des deux partis. On les porte dans les granges, on les y couche. L’évacuation se fait lentement jusqu’à 2h de la nuit et de nouveaux blessés arrivent sans cesse. (…) » SHD-T Vincennes, 26N 649/1, JMO 58e RI, 5/08/1914-3/05/1915, p. 5.
Médecins tués, blessés ou disparus au combat de Lagarde :
Médecin aide-major de 1ère classe Joseph Beauchamps (1882-1914) du 3e bataillon du 58e régiment d’infanterie. Docteur en médecine, 1908. Médecin à Orange (Vaucluse).Tué à l’ennemi ;
Médecin aide-major de 2e classe Fernand-Victor-Marie-François Daudet (1890-1914) du 3e bataillon du 58e régiment d’infanterie. Interne des hôpitaux de Paris. Tué à l’ennemi ;
Médecin aide-major de 2e classe Paul Escalier, du 2e bataillon du 40e régiment d’infanterie. Fait prisonnier. Transféré à Dieuze puis aux camps de Torgau, Altengrabow, Parchim et Lügrumkloster, il rentra de captivité le 11 septembre 1915. Il a laissé un témoignage sur sa captivité, conservé au musée du service de santé des armées (carton n°636, dos. N.C. 6), dans lequel il ne parle pas du combat de Lagarde.
Médecin auxiliaire Marie-Emile Granier (1887-1914), du 19e régiment d’artillerie de campagne, 1er groupe. Tué à l’ennemi.
Médecin auxiliaire Louis-Frédéric-Etienne Lambert (1881- ?), du 3e bataillon du 58e régiment d’infanterie. Docteur en médecine. Ancien aide d’anatomie à la Faculté de médecine de Lyon. Blessé.
Sources :
Musée du Service de santé des armées au Val-de-Grâce, à Paris, carton n°637, dossier n°9 Nouveau classement (Lambert).
A classer parmi ses favoris, un incontournable pour le suivi des opérations militaires de 1914 à 1918 : http://www.carto1418.fr/19140810.php
Sur les mésaventures du docteur Louis Lambert à Dieuze, voir le témoignage du docteur Fouquier du 173e régiment d’infanterie dans notre blog (article du 4 septembre 2013) : ici.
Bibliographie :
Anonyme. Historique du 58e régiment d’infanterie. Guerre de 1914-1919. Avignon : Rullière, 1920, 65p.
Yves Buffetaut. L’affaire de Lagarde (1914), dans Tranchées Magazine, n°18, juillet-septembre 2014.
Jacques Didier. 10 et 11 août 1914. Lagarde. Louviers : Ysec, 2006, 128 p.
Modifié le 28 juillet 2014
"L'AFFAIRE DE VANNES" - CONFERENCE A VANNES LE 27 SEPTEMBRE 2014
Dans le cadre général de l’exposition « Vannes 1914-1918, Ville hôpital et Solidaire » François OLIER animera à l’invitation des archives municipales de Vannes une conférence intitulée : « L’hospitalisation militaire dans le département du Morbihan, 1914-1918 », le samedi 27 septembre 2014, à 15 heures au Palais des Arts de Vannes, salle Ropartz – entrée libre.
UNE FICHE SYNTHESE DE 8 PAGES
à télécharger en fin de billet.
Profitez de cette occasion pour venir faire dédicacer vos quatre premiers volumes des "Hôpitaux militaires dans la Guerre 1914-1918", dont le 1er volume (France Nord-Ouest)- Bretagne, Normandie, Vendée, etc. est épuisé.
« Vannes 1914-1918, Ville hôpital & Solidaire »
Texte de présentation de l’exposition :
Sur 320 m² au Château de l’Hermine, découvrez l’exposition « Vannes, ville hôpital & solidaire », du 2 août au 19 octobre 2014, à travers le parcours d’un blessé de guerre.
Photographies, bande son, vidéo, correspondances, matériel d’époque, reconstitutions de salle d’opération, de chambre de convalescence… tels sont les multiples supports à découvrir lors de cette exposition, entièrement gratuite et tout public.
La première guerre mondiale fut l’un des événements les plus marquants du XXe siècle pour notre pays, avec 7 900 000 mobilisés français.
Le conflit militaire fut d’une telle intensité qu’il reste ancré dans la mémoire collective, car chaque famille aura, au moins, un de ses membres touché par ce conflit.
Cinq thèmes abordés
Le personnel de médecine
Les blessures et l’évacuation
Foyer des blessés et du soldat
Les avancées de la médecine
Les hôpitaux à Vannes
Fiche de synthèse de 8 pages sur "l'Affaire de Vannes" ou "des hôpitaux militaires" qui défraya la chronique vannetaise durant la Grande Guerre et accentua pour un temps la méfiance entre catholiques et laïcistes, en partie gommée, en 1914, par "l'Union sacrée". Présentée en 3e partie de la conférence de François OLIER.
SCOTTISH WOMEN’S HOSPITAL A VILLERS-COTTERETS (1918) – LE FILM…
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SCOTTISH WOMEN’S HOSPITAL A VILLERS-COTTERETS (1918) – LE FILM…
L’hôpital bénévole n°1bis de Villers-Cotterêts organisé par le mouvement des suffragettes écossaises, les « dames écossaises » du Scottish Women’s Hospital (SWH), a fait l’objet, en décembre 1917, d’un documentaire cinématographique visible sur le net qui m’a été signalé par Chris Holme de The History Company. Ce documentaire muet, de dix minutes (10’13), est visible sur le site de la Bibliothèque Nationale d’Ecosse (Scottish Screen Archive). Chris Holme a publié sur son remarquable blog un article très documenté (en anglais), avec de nombreux liens web, sur l’histoire de ce film qui mérite d’être redécouvert.
On trouvera dans ce film, l’HoE de Villers-Cotterêts sous la neige avec ses principales séquences, dont : la voiture radiologique (x-ray car), à 4’40, offerte par le National Union of Women’s Suffrage Societies (NUWSS) et l’arrivée mémorable de la vaguemestre en vélo sur la neige (9’45), etc.
Il existe une version plus courte de ce document (2’30) dans les collections françaises, à l’ECPAD d’Ivry-sur-Seine qui l’a mis en ligne sous le titre : L’hôpital bénévole des Dames d’Ecosse sur le front français (actualités du 4 janvier 1918) - Ici
Villers-Cotterets, HB 1bis - Ancien hôpital d’évacuation (HoE), hôpital baraqué situé en bordure de la voie ferrée de Soissons, 300 lits, ouvert le 27/08/17 et fermé le 30/05/18 - L’HB 1 bis, dépend du « Scottish Women’s Hospital » filiale de Royaumont (HB 301) sous la direction de Miss Ivens (chief medical officer). Autorisation du ministère de la Guerre du 11 juillet 1917 ; il reçoit ses premiers blessés le 27 août 1917. L’HB 1bis fonctionne comme un service de répartition des évacuations au profit du centre hospitalier de Villers-Cotterêts porté à 2 242 lits. L’hôpital bénévole n°1bis est évacué lors de l’offensive Ludendorff du 27 mai 1918.
Sur Royaumont, la maison mère des Scottish Women’s Hospital en France, voir : Hôpitaux militaires dans la Guerre 1914-1918, Louviers : ysec, tome 2, GMP, Val d’Oise, Asnières-sur-Oise, p. 162. et le site de la ville d’Asnières-sur-Oise
– Sur les autres formations sanitaires des SWH : Ajaccio (Corse), tome 4, p. 284 ; sur Sainte-Savine (près de Troyes, Aube), Villers-Cotterêts (Aisne) et Salonique (Macédoine), des notices hospitalières, à paraître en 2015, dans le tome 5 des Hôpitaux militaires dans la Guerre 1914-1918 (collection en cinq volumes, aux éditions Ysec à Louviers).