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Hôpitauxmilitairesguerre1418 - Santé Guerre

GLANES SANITAIRES - UNE AMBULANCE FLOTTANTE...

27 Août 2014 , Rédigé par François OLIER Publié dans #varia

GLANES SANITAIRES - UNE AMBULANCE FLOTTANTE...
LE TEMPS. — 24 août 1914.
— "La Société française de secours aux blessés militaires vient de transformer en bateau-ambulance le yacht de rivière appartenant à M. Legrand, et mis à sa disposition par le prince Henri de Ligne, qui en est actuellement locataire. Cette ambulance flottante sera affectée au service des étapes, pour transporter sur l'arrière des blessés grièvement atteints ne pouvant pas supporter le voyage en chemin de fer. Aménagé par les soins de M. Noblemaire, directeur de la Compagnie internationale des wagons-lits, le bateau comporte 48 lits de blessés et le logement du personnel médical et de l'équipage. Il se trouve à bord : deux médecins, deux infirmiers sous la direction d'un administrateur et d'un administrateur adjoint ; l'équipage, commandé par un capitaine, compte cinq personnes. Ce bateau-ambulance emporte une large provision de médicaments et d'objets de pansement. Hier matin, M. l'abbé Rivière, curé de la Madeleine, a béni le bateau, ainsi que le personnel médical et l’équipage réunis sur le pont et, dans une émouvante allocution, il a exalté le courage de nos vaillants soldats et le dévouement de tous ceux qui se sont donné mission de secourir et soigner les blessés et d'apporter un soulagement à leurs souffrances. Le bateau-ambulance est sur le canal Saint-Denis, sous pression, et n'attend plus que l’ordre du ministère de la guerre pour se mettre en route."
Un lecteur peut-il nous en dire plus ?
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HECATOMBE SANITAIRE A CONNANTRAY (7, 8, 9 et 10 septembre 1914).

24 Août 2014 , Rédigé par François OLIER Publié dans #les hommes

HECATOMBE SANITAIRE A CONNANTRAY (7, 8, 9 et 10 septembre 1914).

EN MARGE DE LA BATAILLE DE LA MARNE : CONNANTRAY (7-10 septembre 1914).

Lors de la Première bataille de la Marne, le 66e régiment d’infanterie (Tours) appartenait à la 18e division d’infanterie ; il fut transporté le 7 septembre 1914 aux environs d’Oeuvy (Marne), ferme Saint-Georges, pour être affecté, en renfort, au 11e corps d’armée. Cette 18e DI devait servir de réserve opérationnelle à la 9e armée (Foch). Le 7 septembre, le 66e RI se portait en fin de journée en direction de Connantray où il bivouaquait… « les hommes prenaient hâtivement leurs emplacements de bivouac entre… [cf. infra]

Le 66e régiment d’infanterie est balayé…

« Le 7 Septembre 1914 le 66e régiment d'Infanterie (35e brigade, 18e division, 9e [11e] corps d’armée) prenait position à Euvy (Marne). Des hauteurs placées en avant de cette localité on pouvait déjà apercevoir les mouvements de la grande bataille qui était partout engagée. Dans l'après-midi le régiment recevait l'ordre de se porter en avant et d'aller occuper les bois qui se trouvent à l'Est de Fère Champenoise ; il y arrivait vers 19 Heures. Les hommes prenaient hâtivement leurs emplacements de bivouac entre la grande route de Fère Champenoise à Connantray et la voie ferrée qui passe au Nord ; ils creusaient quelques tranchées. Tout mon personnel composé de 4 médecins aide-majors, de 2 médecins auxiliaires, des infirmiers et des brancardiers [page 2] se tenait groupé autour de moi au poste de secours que j’avais établi à un kilomètre en arrière du régiment.

Pendant toute la nuit l'artillerie ennemie avait montré une certaine activité, principalement entre minuit et 1 heure du matin. Des coups de feu isolés éclataient sur les lisières des bois, puis brusquement, avec les premières lueurs du jour, les Allemands déclenchaient sur nous une brusque et violente offensive. Le 93e surpris reculait en désordre et se rejetait sur notre division qu’il démasquait.

Aux premiers coups de feu je me porte vers le chef de bataillon de Villantroys, commandant le [III/]66e, pour lui demander ses ordres. Il n'est plus à son poste de commandement ; son adjoint le capitaine Robillot me dit de me replier avec mon personnel vers Connantray. Je me dirige vers cette localité au prix d'assez grandes difficultés ; je suis retardé dans ma marche par mes voitures médicales, sur lesquelles j'ai placé 3 ou 4 blessés. Les balles sifflent, des hommes tombent. La fusillade devient bientôt effroyable et s'accompagne du bruit plus sec des mitrailleuses. Dans les bois, la lutte se poursuit acharnée, terrible, on se bat à 50 mètres. En moins de deux heures mon seul régiment à vingt-cinq officiers et près de 1300 hommes hors de combat. La retraite sur Connantray n'est plus possible, je fais prendre à ma formation la direction du Sud, vers Euvy.

L'ennemi avance rapidement. Notre situation devient très critique. Les balles atteignent mes voitures médicales, mon cheval est tué près de moi. Mon personnel me précède [page 3] dans la retraite.

L’agonie du médecin aide-major Veteau…

Je ferme la marche de façon à ne laisse en arrière aucun de mes hommes. J'ai à côté de moi le médecin aide-major de 1ère classe de réserve Veteau. Soudain un obus éclate au-dessus de nos têtes. Un soldat qui marchait devant nous est tué sur le coup et Veteau a le bras gauche labouré par deux éclats d'obus. Mon aide-major étant gravement atteint, j’ordonne à mon personnel de continuer promptement la retraite vers Euvy et je m'arrête pour panser Veteau. Je constate que Veteau a une déchirure de l'humérale ; je parviens cependant à arrêter l'hémorragie au moyen d'un solide garrot. Puis Veteau et moi reprenons la ligne de retraite. Les allemands nous aperçoivent et ouvrent le feu sur nous. Mon aide-major épuisé par l'effort qu'il vient de fournir, se sent défaillir et m'adjure de l'abandonner si je veux échapper à la mort. Mais résolu à faire tout mon possible pour sauver mon camarade, je le prends dans mes bras et me dirige vers un petit bois distant d'une centaine de mètres ; ou j'espérais le mettre à l'abri.

Les allemands qui sont à moins de 300 mètres dirigent sur nous une fusillade de plus en plus vive. Nos brassards de la Croix-Rouge sont cependant très visibles et les allemands doivent comprendre qu'ils s'acharnent sur un blessé. Mon malheureux aide-major est frappé de deux balles à l'abdomen. Une balle me traverse l'avant-bras gauche en fracturant commutativement le radius ; d'autres balles traversent mes vêtements sans m'atteindre. Veteau et moi tombons en même temps. Les allemands n'en continuent pas moins pendant environ quinze minutes à envoyer dans notre direction des balles qui fauchent tout autour de nous. Leur tir [page 4] ayant enfin cessé, Je pus me relever, arrêter un peu l'hémorragie provoquée par la section complète de ma radiale et m'occuper de Veteau. Malheureusement tout espoir de le sauver était perdu. Avec un courage admirable, mon aide-major me dit qu'il était heureux de donner sa vie pour son pays, me parla de sa femme et de son enfant et malgré de violentes douleurs mourut sans une larme, sans une parole d'amertume. Pendant que j'assistais Veteau, à 200 mètres de là, un autre médecin aide-major de réserve de mon régiment, le docteur Dreux*, était tué d’une balle à la tête. Presque au même instant tombaient les médecins de réserve Bonnet* et Michel* du 114e d'Infanterie placé près de nous. Ces 4 Médecins reposent aujourd’hui côte à côte dans le petit cimetière de Connantray. Ils attestent de la vaillance et de l'héroïsme du corps médical dans cette sanglante journée de la Fère Champenoise.

Les docteurs Veteau et Dreux n'ont pas été cités à l'ordre de l'Armée et leurs familles n'ont pas reçu la Croix de Guerre ; c'est une omission que je regrette et qui, je l'espère, sera bientôt réparée [Croix de guerre, 1916 ; Légion d’honneur, JORF, 6 décembre 1921, p. 3204].

Capturé à Connantray… au « lazaret » saxon…

Quand mon aide-major eut succombé, je jugeai qu'il était de toute nécessité pour moi de rallier au plus tôt une ambulance pour m'y faire soigner. J'éprouvais des vertiges qui me faisaient redouter une syncope. J’étais épuisé par la perte de sang qu’arrêtait mal le pansement compressif très sommaire que je m'étais fait au bras gauche en m'aidant de la main droite et des dents. Je voulus poursuivre sur Euvy, mais déjà les troupes allemandes me barraient la route. Alors, prenant mon parti de la situation, voulant être utile à nos blessés jusqu'au bout, je recueillis un certain nombre d'entre eux et à leur tête j'atteignis Connantray. Chemin faisant, j'avais dû [page 5] faire confectionner un garrot pour arrêter mon hémorragie. Le village était occupé par les Saxons [XXXIIe DI du XIIe CA saxon de la IIIe armée allemande]. Ceux-ci firent prisonniers les blessés que j'amenais et les mirent dans l'église du village qui donnait asile à de nombreux blessés, la plupart allemands. Un officier saxon vint à moi, reconnut ma qualité de médecin militaire et me reconduisit au lazaret installé dans un groupe de maisons avec cours [Il s’agit probablement d’un poste de secours (hauptverbandplatz) organisé par les 2e et/ou 3e compagnies sanitaires (sanitätskompanie) du XIIe CA saxon].

Je trouvai là 5 ou 6 médecins saxons qui m'accueillirent correctement mais me déclarèrent qu'étant très occupés ils ne me feraient de pansement sérieux que lorsqu'ils auraient soigné leurs propres blessés. Ils ne touchèrent pas au pansement tout à fait insuffisant que je m'étais fait. Ils se bornèrent à le renforcer par une bande de toile très serrée avec attèle latérale en bois. Mon bras fut fixé à angle droit au moyen d'une petite écharpe maintenue par deux épingles. Une fiche (que j'ai conservée) indiquant mon nom, mon grade, ma nationalité et le diagnostic de ma blessure, fut épinglée sur mes vêtements. Je réclamai à un officier saxon le bénéfice de la convention de Genève, il me répondit que les instructions qu'il avait reçues n'en parlaient pas et qu'on verrait plus tard. Pendant toute la nuit du 8 au 9 Septembre et toute la Journée du 9, les Saxons amenèrent de nombreux blessés à Connantray à la fin de la journée du 9, il devait y avoir environ 300 blessés français et 600 allemands.

Je passais mon temps à secourir les nôtres et avec mon bras valide ; leur faire quelques pansements sommaires au moyen des paquets individuels qu'ils avaient encore sur eux. Il faut avoir vécu ces heures là pour sentir la force du lien qui unit les hommes d'un même pays en face de la douleur et de l'ennemi commun. Les Saxons, ne me fournirent aucun objet de pansement mais me laissèrent circuler [page 6] librement à travers les groupes de nos blessés. Je pus m'entretenir avec quelques officiers allemands. Ils reconnaissaient qu'ils avaient terriblement souffert. Un capitaine saxon m'avoua que sa compagnie était réduite à 97 hommes. Le lazaret de Connantray avait été bien organisé. Il était largement approvisionné en matériel de pansement. Les Saxons utilisaient quelques brancards français qu'ils nous avaient pris depuis le début de la guerre. Le modèle allemand moins souple que le modèle français m'a paru cependant plus pratique surtout plus résistant. Les blessés les plus graves étaient placés sur des paillasses dont l'enveloppe était constituée par des draps de lit pris chez l'habitant. Les linges et les instruments de chirurgie étaient stérilisés avec soin. Une voiture de pharmacie très bien comprise complétait la formation. Les allemands firent devant moi quelques opérations d'urgence ; deux amputations de bras, une de jambe, une de pied, quelques ligatures, etc. Le chirurgien en chef était excellent mais ses subordonnés me parurent bien inférieurs à la moyenne de nos médecins français ; en général leurs interventions étaient trop larges parfois inutiles.

Les Allemands ne s'occupèrent que de leurs blessés. Aucun des nôtres, même parmi les plus graves ne fut soigné par eux. Moi-même, malgré ma qualité de médecin et mes demandes réitérées, je ne pus obtenir d'être pansé. Je souffrais cependant beaucoup du bras, je laisse ce fait à l’appréciation du corps médical français.

Le 9 septembre, vers 21 heures, un officier supérieur saxon suivi de quelques officiers subalternes arriva à cheval au lazaret et demanda à haute voix en très bon [page 7] français où se trouvait le médecin militaire français blessé. Je me levai et j'allai à lui. Alors à ma grande stupéfaction l'officier saxon me dit à peu près textuellement :

- "Je suis le commandant des troupes qui sont ici. Je dois vous avouer que l'armée allemande est battue. Je vais quitter Connantray cette nuit en abandonnant nos blessés ; vous allez vous engager sur l'honneur à les protéger et les faire soigner."

Je répondis au colonel saxon :

" Les médecins militaires français ne voient plus d'ennemis dans les blessés qu'ils soignent. Ils ont pour tous le même dévouement sans distinction de nationalité."

Mais le colonel exigea de moi un écrit et je le lui donnai ; il le serra soigneusement. Il ne partageait sans doute pas le sentiment du chancelier de l'Empire allemand pour qui un engagement écrit n'est qu'un chiffon de papier. L'officier saxon me remit en échange sa carte que j'ai conservée et qui porte : Oberstleutnant Blochmann - Riesa (Sachsen). M'ayant salué, le lieutenant-colonel et les officiers de sa suite se retirèrent.

La bonne volonté apportée par l'officier allemand m'expliqua alors certains faits que j'avais observés avec étonnement. Deux heures plus tôt au lazaret, les médecins saxons avaient achevé à la hâte les pansements commencés et fermé leur matériel tandis que les blessés allemands non soignés étaient transportés dans des granges. Ces préparatifs de départ avaient commencé le 9 septembre à 19 heures. Ce détail peut avoir une importance historique ; il indique à quel moment précis le commandement allemand donna des ordres en vue de la retraite [page 8].

Evacuation de Connantray. Les blessés allemands sont confiés aux anciens « prisonniers »…

J'étais un témoin bien placé car il résulte du rapport de notre Etat-Major (publié dans le Bulletin des Armées de la République, du 5 décembre 1914) que ce qui décida de la bataille de la Marne, ce fut la manoeuvre audacieuse par laquelle la gauche de l'Armée Foch, se portant d’ouest en Est vers Fère Champenoise prit de flanc les corps saxons et la garde prussienne qui attaquaient au sud-est de cette localité? Or, je me trouvais exactement à cet endroit.

L'infanterie saxonne commença à se retirer de Connantray vers 23 heures. J’assistai alors à une scène inoubliable, les blessés allemands qui, en tant que soldats, n'avaient connu jusqu'alors que le succès et comprenaient maintenant qu'on les abandonnait, se livraient à un violent désespoir. Un très grand nombre d’entre eux étaient persuadés que Ies Français allaient venir les égorger. J'en interrogeai quelques-uns, j'en fis questionner d’autres par un sous-officier allemand possédant bien la langue française et j'acquis la conviction que Ies officiers allemands faisaient croire à leurs hommes qu'ils seraient exposés aux pires violences s'ils tombaient entre Ies mains des Français, Dans la nuit, je vis ce spectacle indicible de blessés, atteints de fractures et de plaies des membres inférieurs, se traînant sur le bord de la route, suppliant de les emmener, s'accrochant aux voitures et se faisant traîner par elles pour tâcher d'échapper aux Français. Je dus rassurer ces malheureux et joignant le geste à la parole bien que souffrant cruellement de ma blessure, j'allai chercher de l'eau que je leur portai à boire. J'ai été admirablement secondé dans ma tâche par un père [page 9] bénédictin aumônier volontaire de régiment, blessé au pied par une balle et conduit à Connantray par les Saxons.

Je passai debout la nuit du 9 au 10 septembre, protégeant nos soldats blessés, s'efforçant de les soustraire aux mauvais traitements des allemands irrités d'être obligés de fuir. Je fus assez heureux pour empêcher les ennemis de mettre le feu au village ; je leur fis observer qu'il y avait des blessés allemands ou français dans toutes les maisons. Il me fut cependant impossible d'empêcher le pillage ; les Saxons emportèrent tout ce qu'ils purent et détruisirent le reste.

A 2 heures du matin l'infanterie et l'artillerie avaient évacué Connantray mais la cavalerie tenait toujours le village.

Le commandement français avait donc toutes raisons de croire que la localité était presque toujours occupée par l'ennemi. Les derniers cavaliers saxons ne quittèrent Connantray que le 10 septembre vers 5 heures du matin.

A ce moment l'artillerie française envoya quelques obus dans la direction de Connantray. Un autre danger nous menaçait. Il fallait prévenir notre commandement de la situation. Ayant fouillé le village, je trouvai un homme âgé qui n'avait pas fui devant l'invasion, je lui procurai une mauvaise voiture à laquelle fut attelé un cheval abandonné par les Allemands et je l'envoyai vers nos lignes porter un mot de moi. Au bout d'une heure mon messager ne reparaissant pas, je résolus d'aller moi-même [page 10] au-devant de nos troupes. Je pus constituer un attelage de fortune et je me dirigeai vers Euvy. J'avais fait 4 kilomètres, lorsque j'eus la grande joie d'apercevoir nos soldats. Nos lignes de tirailleurs s'avançaient prudemment vers le village, en gardant comme otage l'homme que j'avais envoyé.

Un colonel étant venu vers moi, je lui exposai la situation et lui dis qu'il pouvait avancer sans crainte. Il donna des ordres et Connantray fut ainsi réoccupé rapidement. Je poursuivis ma route jusqu'à Euvy pour chercher du secours médical j'y trouvai mon médecin divisionnaire [18e division d’infanterie], le médecin principal Gruet et le mis au courant de la situation. Il se porta aussitôt vers Connantray avec une partie de son personnel et de son matériel pour recueillir et soigner les blessés français et allemands. Je pus enfin recevoir des soins mais ils étaient bien tardifs et ma blessure pour n'avoir pas été pansée quand je me trouvais aux mains des allemands, devait se compliquer d'une forme grave de tétanos. Au moment où l'on me soignait, mon rôle de médecin militaire s'achevait, je n'étais plus qu'un blessé. Et tandis que j'étais emporté vers l'arrière je revivais par la pensée le drame sanglant qui venait de se dérouler devant moi, mais j'entendais aussi la voix du colonel saxon m'annonçant la déroute allemande et ces premiers échos de la victoire française que les blessés se répétaient tout frémissants d'enthousiasme faisaient oublier toutes les souffrances, consolaient de tous les sacrifices.

Sur ces champs de carnage et de mort la France nous apparaissait triomphante... »

Notes - Les pertes médicales :

Bonnet Pierre-Camille-Félix. Né le 25 octobre 1886 à Saint-Maixent (Deux-Sèvres). Tué à l’ennemi le 8 septembre 1914 à Connantre (Marne) – Interne des hôpitaux de Paris – Médecin auxiliaire, au 114e régiment d’infanterie.

Dreux Maurice-Albert-Joseph. Né le 22 mars 1881 à Ingrandes (Indre-et-Loire). Tué à l’ennemi le 8 septembre 1914, à La Fère Champenoise (Marne) – Docteur 1908, médecin à Bourgueil (Indre-et-Loire) – Médecin aide-major de 1ère classe, au 66e régiment d’infanterie. CG 1916, LH 1921.

Michel Henri-Alfred-Léonard. Né le 5 novembre 1887 à Vierzon-Village (Cher). Tué à l’ennemi le 8 septembre 1914 à Connantre (Marne) – Médecin auxiliaire, au 114e régiment d’infanterie.

Veteau Edouard-Pierre-Auguste. Né le 2 juillet 1881 à Rigny-Ussé (Indre-et-Loire). Tué à l’ennemi le 8 septembre 1914 à La Fère Champenoise (Marne) – Docteur 1908 (Fac. de Paris), médecin à Avoine (Indre-et-Loire) – Médecin aide-major de 2e classe, au 66e régiment d’infanterie. CG 1916, LH 1921.

Sources :

Musée du service de santé des armées, au Val-de-Grâce à Paris, carton n° 633, dossier 15. Rapport de captivité du Médecin Major de 1ère classe Bailby chef de Service au 66e régiment d'Infanterie actuellement médecin chef de l'hôpital temporaire n°2 à Tours sur son rôle au cours de la Bataille de la Marne (Journées des 7, 8, 9 et 10 septembre 1914).

Collectif. Aux médecins morts pour la Patrie, 1914-1918. Paris : Baillère et fils, s.d., 439 p.

Vilatte Robert. Foch à la Marne. La 9e armée aux marais de Saint-Gond (5-10 septembre 1914). Paris : Charles-Lavauzelle, 1933. XII-286 p.

Von Hausen, colonel-général, Baron. Souvenirs de la campagne de la Marne en 1914. Coll. de Mémoires, Etudes et documents pour servir à l’Histoire de la Guerre Mondiale. Paris : Payot, 1922, 285 p.

http://hopitauxmilitairesguerre1418.overblog.com/le-service-de-sante-de-l-armee-allemande-1914-1918

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LIEGE 1914

15 Août 2014 , Rédigé par François OLIER Publié dans #varia, #Centenaire, #les hopitaux

LIEGE 1914

Un médecin militaire français « prisonnier » témoigne, en septembre 1914, sur son périple belge (Florennes, Tamines, Charleroi, Namur, Liège, Herbesthal, Liège…).

Amis belges, au lendemain des cérémonies commémoratives de Liège 2014 je vous propose le témoignage de sanitaires français qui ont été accueillis en 1914 dans cette belle cité de Belgique.

Dans un rapport sans date conservé au Val-de-Grâce à Paris, le médecin aide-major de 1ère classe Bertrandon, alors médecin-chef du 262e régiment d’infanterie, rédige à l’intention du directeur du service de santé de la 10e région militaire de Rennes, ses souvenirs de captivité comme ancien médecin à l’ambulance n°7 du 10e corps d’armée (amb. n°7/10) de Rennes. J’ai, dans un précédent article, relaté l'organisation et le fonctionnement du service hospitalier français autour de Florennes (Belgique) en août 1914. A cette occasion je n’avais pas utilisé le témoignage du docteur Bertrandon, mais ceux de ses collègues de l’amb. n°6/10, les docteurs Dejust et Oudot. Aujourd’hui je propose la transcription des souvenirs du docteur Bertrandon, illustrés dans une moindre mesure par ceux de deux autres acteurs français de l’épopée liégeoise de 1914, les docteurs Chevallier et Signoret.

Eléments sur le service de santé de la Position Fortifiée de Liège (PFL)

Le service de santé de la Position Fortifiée de Liège (PFL) avait été confié au médecin principal Henrard. Ce dernier disposait pour assurer le service de santé de la place fortifiée, de deux médecins armant chacune des infirmeries des douze forts de protection composant la PFL et d’un hôpital militaire d’active, l’hôpital Saint-Laurent disposant, au 1er août 1914, de 610 lits avec ses annexes sous baraques. L’hôpital militaire Saint-Laurent recevait les blessés évacués des infirmeries des forts. Dès le 4 août 1914, la place de Liège est investie. Le Service de santé évacue par voie ferrée les blessés de Liège : un train sanitaire sur Louvain, deux trains sanitaires sur Bruxelles. Dans la nuit du 5 au 6 août les Allemands tentent un coup de force qui échoue ; toutefois la ville étant sans protection, sa citadelle étant déclassée, les Allemands l’occupent dès le 6 août. Le général Gérard Leman commandant la PFL (32000 hommes) quitte la ville et se réfugie au fort de Loncin (qui explose le 15 août) pour poursuivre la lutte. Du 10 au 16 août 1914 près de 100 000 soldats allemands attaquent systématiquement les 12 forts de Liège qui se rendent les uns après les autres. Le 16 août la reddition du fort de Hollogne marque la prise de Liège.

Dès l’entrée des Allemands et le début du siège des forts (6 août) les blessés affluent à Saint-Laurent, en dépit des évacuations déjà signalées. La création de lazarets et d’annexes tant par les services de l’hôpital militaire que par les services civils ou ceux de la Croix-Rouge belge, dans les écoles, couvents, maisons bourgeoises ne se comptent plus… Les formations hospitalières permanentes ou temporaires développent leurs capacités : hôpitaux militaires de Bavière, des Anglais, de la Maternité, des sourds-muets ; ambulances des Filles de la Croix, des Jésuites, etc. Le plus important de ces hôpitaux « de circonstance » paraît avoir été l’hôpital militaire des Rivageois installé dans l’école normale des Filles (ouvert le 6 août 1914. Fermé le 4 octobre 1914 – 1000 lits, 2003 hospitalisés). Au 16 août, à la reddition du dernier fort, les Allemands reprennent le contrôle du fonctionnement hospitalier qui avait été laissé au docteur Henrard. Cette reprise en main est d’actualité quand nos médecins militaires français arrivent à Liège…

Résumé sur le service de santé de l'armée belge en 1914-1918 (docteur Patrick Loodts)
De Florennes à …

"[V] Le 12 septembre [1914] nous recevons la visite d’un médecin allemand venant de Charleroi, flanqué d’un officier. Ils me dirent qu’ils venaient prendre des mesures pour l’évacuation de tous les blessés qui nous restaient. Ils ajoutaient que les blessés auraient peu à voyager puisqu’ils étaient destinés à se rendre à Charleroi, à 28 kilomètres – que d’ailleurs nous les accompagnerions nous même dans cette ville où nous continuerions à leur donner nos soins.

Nous leur déclarâmes que parmi les blessés qui nous restaient quelques-uns étaient absolument intransportables. Ils firent d’abord des difficultés, disant qu’ils avaient l’ordre de tout évacuer. Cependant sur nos instances et après avoir visité individuellement tous les malades qui nous restaient, ils finirent par consentir à en laisser une quinzaine. Presque tous atteints de fracture compliquée de la cuisse et munis d’une extension continue. Le général de division Boé, dont nous avons déjà au début de ce rapport signalé la présence parmi nos blessés, ne fut pas évacué lui non plus et resta à Florennes.

[V, verso] J’ignore ce que tous ces blessés sont devenus dans la suite. Pour le moment nous nous étions entendus avec un médecin civil de la ville qui se chargeait de leur assurer les soins nécessaires. Le recteur du collège était rendu personnellement responsable par l’autorité allemande des blessés qui restaient dans sa maison après notre départ. La ville n’était plus occupée par aucune troupe.

Le matin du 13 [septembre] nous partîmes donc pour la gare emmenant nos blessés, les uns en voiture, d’autres à pied. Force nous fut de laisser dans la cour de l’hôpital les fourgons qui avaient contenu notre matériel. D’ailleurs il n’en restait plus que trois, les deux autres avaient déjà été emmenés par l’ambulance n°4 [amb. n°4/10] au moment de son départ. Cependant nous pûmes emporter, dans quatre paniers à matériel, le peu qui nous restait d’objets de pansements, des médicaments, les instruments chirurgicaux.

En traversant la ville nous pûmes constater que les dégâts matériels se réduisaient à peu de chose. Quelques maisons éventrées par des obus. Pas mal de portes enfoncées et clôturées par quelques planches (Probablement les maisons qui avaient été trouvées inhabitées lors de l’arrivée allemande). A la gare on nous fit monter tous dans des compartiments de voyageurs de 3e classe et nous partîmes dans la direction de Charleroi. Mais le convoi marchait si lentement que nous mîmes la journée entière pour franchir les 28 kilomètres qui nous séparaient de Charleroi. Plusieurs blessés furent extrêmement fatigués. Quelques-uns eurent même des syncopes. Nous pûmes leur donner les soins nécessaires grâce au matériel que nous avons pu emporter. Nous renouvelâmes quelques pansements qui saignaient (tel le pansement d’un de nos blessés amputé du bras l’avant-veille et que nous n’avions pu obtenir de laisser à Florennes). Aucune boisson ni alimentation ne nous fut donnée au cours de cette journée et nous n’avions pas emporté de provisions à part quelques bidons d’eau, escomptant un voyage d’une heure à deux tout au plus et non d’une journée entière. Aussi cette journée fut-elle pénible à nos blessés. Au cours de ce voyage nous aperçûmes les traces des violents combats qui avaient été livrés. Ce qui me frappa particulièrement ce fut l’aspect de la petite ville de Tamines complètement incendiée et où pas une seule maison n’avait été épargnée. Seuls tous les murs subsistaient. Le feu seul avait fait là son œuvre. Le canon n’y était pour rien.

Aux approches de Charleroi, même spectacle, beaucoup d’usines brûlées, mais pas une désolation aussi complète.

En arrivant en gare de Charleroi, on fit mettre de côté tous nos plus grands blessés, en particulier ceux qui devaient être évacués couchés. Pour nous, nos infirmiers, et nos blessés plus légers (d’ailleurs en nombre assez restreint) on nous fit monter dans un autre train. Ce fut un sous-officier allemand qui nous donna cet ordre, nous ne vîmes aucun médecin ni officier, et nous ne pûmes tirer de lui aucun renseignement complémentaire. Nous eûmes à ce moment l’impression qu’en nous faisant monter dans un train navette pour nous diriger sur une autre gare de la ville ou de la banlieue. Mais bientôt à notre surprise nous reconnûmes le chemin que nous venions de parcourir au cours de la journée, et nous nous demandâmes quelle était notre [V, 1, verso] destination. Ce nouveau convoi marchant beaucoup mieux que celui que nous avions pris au cours de la journée. Nous revoyons Florennes. Un instant nous nous demandons si l’on ne nous y renvoie pas. Mais nous dépassons la ville. A deux heures du matin nous sommes en gare de Namur. L’éclairage est faible. Quelques soldats allemands sont groupés sur un quai. Un sous-officier fait les cent pas devant notre train. Nous descendons et nous tachons de lui demander des explications. Nous lui exposons que nous sommes médecins et que par conséquent nous ne devons pas être retenus prisonniers, que cependant il semble qu’on nous dirige sur l’Allemagne, que ce doit être une erreur. Nous demandons à aller nous expliquer à la Commandantur. II nous répond qu’il va aller demander des instructions. Un moment après il revient et nous dit que l’on ne peut rien faire ici à notre sujet. De nous adresser à Liège à notre passage. Nous arrivons donc un peu plus tard dans cette ville, mais là notre train au lieu de s’arrêter en gare s’arrête beaucoup plus loin dans une voie de garage. Il fait nuit noire ; nous ne voyons personne, nous ne pouvons rien faire. Nous continuons donc notre voyage, et le matin vers 6 heures ½ nous arrivons à la gare frontière d’Herbesthal.

Retour sur Liège...

Là nous apercevons sur le quai un médecin militaire allemand ayant grade de capitaine. Nous allons à lui, il parle assez bien le Français, nous lui expliquons notre situation ; il convient qu’il doit certainement y avoir une erreur et nous fait descendre ainsi que nos infirmiers et nos bagages, mais nos blessés doivent continuer leur route et entrent en Allemagne. Quant à nous nous allons attendre sur place que les ordres qu’il demande par téléphone soient arrivés. A midi rien n’était encore arrivé. [VI] Nous n’avions pris aucun aliment ni aucune boisson depuis plus de 24 heures. Nous fûmes autorisés à nous rendre au buffet de la gare ainsi que nos infirmiers, où, à nos frais bien entendu, nous pûmes nous restaurer à volonté. Nous prîmes notre repas dans une grande salle commune au milieu d’une affluence considérable de soldats allemands qui nous regardaient avec curiosité, mais dont aucun ne se montra hostile et agressif. Dans le courant de l’après-midi nous fûmes même autorisés à séjourner sur le quai de la gare - sauf au moment de l’arrivée des trains – Nous eûmes cependant la douloureuse émotion de voir passer des trains de soldats français prisonniers. Ils paraissaient fatigués et vieux pour la plupart. Nous sûmes qu’ils venaient de Maubeuge et c’est ainsi que nous apprîmes la prise de cette ville. On nous fit d’ailleurs regagner une salle d’attente et on nous pria de ne plus en sortir. Le médecin qui nous avait fait descendre du train le matin, revînt ; il n’avait toujours pas d’ordre pour nous. Nous l’interrogeâmes au sujet des prisonniers que nous avions aperçus. Il nous confirma ce que vous venions d’apprendre et ajouta même qu’ils avaient pris un assez grand nombre de canons, de vieux modèle pour la plupart, quant aux prisonniers faits il ajouta : « Tous vieillards ». Il ne fit aucun autre commentaire et s’abstînt de parler de la situation générale militaire ; nous n’osâmes l’interroger davantage, peut-être par crainte d’apprendre de mauvaises nouvelles, car l’ambiance où nous vivions depuis notre captivité était terriblement déprimante et la confiance la plus ferme devenait vacillante surtout après ce que nous venions de voir et d’entendre.

D’ailleurs un instant plus tard un sous-officier rencontré se chargeait de nous renseigner à sa façon. Il vint à nous et brutalement s’exclama :

- « Messieurs les Français, vous êtes tout à fait ridicules (sic) ; vos troupes sont en pleine déroute, et plusieurs forts de Paris sont pris, la ville entière le sera dans quelques heures ».

Nous haussions les épaules et lui répondîmes que ce n’était certainement pas possible et qu’en tout cas la prise de Paris serait sans importance quand bien même elle serait vraie. Il parut décontenancé et se retira en grommelant en allemand. Cette algarade ne nous persuadait pas mais augmentait malgré nous notre inquiétude. Si nous avions su ce qui se passait à ce moment comme nous l’aurions remis à sa place, mais nous n’apprîmes que 2 jours après la bataille de la Marne.

La nuit arrivait et toujours pas d’ordre. On fit porter de la paille pour nos infirmiers dans la salle d’attente où ils se trouvaient. Ils purent aussi faire venir du buffet de quoi se restaurer. Quant à nous le médecin allemand nous offrit de nous conduire à l’Hôtel où il logeait en ville et où nous pourrions diner et nous coucher. Nous acceptâmes. Nous occupâmes à tous les quatre une chambre unique où nous fîmes monter notre repas du soir, car la salle à manger de l’hôtel que nous avions aperçu en entrant était remplie d’officiers allemands et nous ne désirions pas leur contact.

Le lendemain matin à six heures, les ordres arrivèrent. Nous devons revenir sur nos pas et retourner à Liège. La nouvelle nous fut agréable. Si nous revenons en Belgique après avoir été à la frontière allemande c’était bien, pensions-nous, que l’on n’avait pas l’intention de nous garder prisonniers, et que nous rentrerions en France par une voie ou par une autre mais sans tarder, maintenant que nous n’avions plus de blessés à soigner et que notre présence ne pouvait plus être considérée comme indispensable. Toutefois faute de train disponible nous dûmes attendre à Herbesthal toute la matinée et une partie de l’après-midi. Vers 3 heures nous primes prendre place dans un train qui se dirigeait sur Liège. Des compartiments nous furent réservés ; dans ce train avaient pris place un certain nombre de hussards de la Mort de classes jeunes. Ils étaient conduits par un lieutenant de leur arme qui fit dans notre compartiment une partie du voyage, et reçut les instructions nous concernant. Il parlait Français, engagea la conversation et se montra fort correct. Il nous parla surtout de sa conviction que ce n’était pas l’Allemagne qui avait voulu la guerre. De son espoir de la voir se terminer bientôt. Il nous dit également, que dès la déclaration de guerre beaucoup d’officiers avaient fait à l’Etat un prêt de la totalité de leur fortune (Lui-même avait apporté de la sorte une assez grosse fortune), et ainsi une très grosse somme avait pu être réussie. Il donna même un chiffre approximatif de ce qui avait pu être mis ainsi à la disposition de l’Empire et qui fournirait un appoint notable. Je ne me souviens plus du chiffre indiqué, je sais seulement qu’il me parut énorme.

Nous arrivâmes à Liège dans la soirée, notre train s’arrêta dans une gare assez éloignée, et nous dûmes attendre encore pendant fort longtemps pour savoir ce que l’on voulait faire de nous. Nous attendîmes dans un wagon, où l’on nous fit monter et garder par deux sentinelles en armes. Tout autour de nous dans de multiples voies de garages se trouvaient des trains remplis de troupes qui paraissaient être logées là de façon au moins provisoire. Tout cet ensemble de trains avait l’air d’un véritable camp volant.

Enfin nous reçûmes l’ordre de nous rendre avec nos infirmiers à l’hôpital des Sourds muets [Institut Royal des Sourds Muets, de la rue Monulphe, annexe de l’hôpital militaire Saint-Laurent]. On nous fit monter sans aucune escorte dans un tramway, ainsi que nos bagages et nous fûmes conduits au centre de la ville. Là nous descendîmes sur une grande place près du théâtre, mais dès que la population civile aperçut des pantalons rouges, cela fit une véritable émeute. De toutes parts la foule accourut, on cria Vive la France, on demanda si les Français arrivaient, on nous porta presque en triomphe. C’était, il faut se le rappeler presque au lendemain de la bataille de la Marne, et c’est là que nous en connaissons à notre grande joie l’heureuse nouvelle. Plusieurs personnes nous affirment qu’elles avaient chez elles des blessés français et que les allemands l’ignoraient.

Mais bientôt les choses se gâtèrent, des soldats allemands accourent et repoussent toute la foule à grands coups de crosses ou de plat de sabre. Deux ou trois automobiles chargèrent la foule. Les hommes qui les montaient hurlaient des injures avec l’entrain qu’ils savent y mettre habituellement. Quelques-uns debout sur les marchepieds des voitures distribuaient à droite et à gauche des coups de plat de sabre. Plusieurs personnes roulèrent à terre. C’est de la sorte, précédés d’une de ces voitures automobiles qui faisait place nette dans la rue devant nous que nous nous acheminâmes vers l’hôpital des Sourds Muets dont les portes de refermèrent sur nous.

Nous retrouvâmes dans cet hôpital 6 médecins aide-major français qui avaient été faits prisonniers à Maubeuge (*). Nous les interrogeâmes avidement sur ce qu’ils savaient. Ils étaient tout à fait au courant des évènements de la Marne et nous les confirmèrent. Mais ils ne partagèrent pas notre optimisme au sujet de notre espoir d’une prochaine rentrée en France. Ils savaient cependant que 7 médecins aide-major ayant appartenu à des régiments de tirailleurs algériens et faits prisonniers avaient été autorisés quelques jours avant à rentrer en France en passant par la Hollande où une automobile les avait conduits ; mais depuis les instructions paraissaient avoir changé. Ils nous dirent même un fait que je ne saurais passer sous silence. Comme suite à une demande de renvoi en France qu’ils avaient formulée, deux d’entre eux (autant qu’il m’en souvient) avaient été appelés chez le médecin chef allemand de l’hôpital où nous nous trouvions – Là ils s’étaient rencontrés avec le comte de Reuss (Président je crois de la Croix-Rouge ou d’une section de la Croix-Rouge allemande). [VII] Or ce personnage leur aurait dit en propres termes :

- « Vous demandez à rentrer en France ; vous y faites [] car vous avez beaucoup de blessés, et vous pouvez avoir des [], mais justement pour cette raison nous ne vous renverrons pas. Tous les moyens sont bons pour affaiblir l’ennemi ».

Je n’apprécie pas cette mentalité et cette parole dans la bouche d’un président de la Croix-Rouge !

Nous restâmes 8 jours à l’hôpital des Sourds muets de Liège. Dès le lendemain de notre arrivée nous formulâmes à notre tour par écrit une demande de renvoi en France, motivée sur le texte de la Convention de Genève et de La Haye. Nous n’en eûmes jamais de nouvelle. Nous adressâmes même un double de cette demande au Consul des Etats-Unis à Liège, je ne sais si elle parvînt à son adresse.

Un médecin aide major et un médecin auxiliaire arrivèrent 2 jours après. Ils venaient de Namur où ils avaient été laissés avec un bataillon du 143e (si je me souviens bien) [en fait il s’agit du 148e RI] en soutien des troupes belges. Ils formulèrent à leur tour une demande de rentrée en France comme nous l’avions fait deux jours avant.

Dans l’hôpital où nous nous trouvions étaient soignés de nombreux blessés belges. Beaucoup étaient des survivants de l’explosion du fort de Loncin [survenue le 15 août 1914], parmi eux le commandant de ce fort et plusieurs autres officiers belges, aucun blessé français (**). De nombreux médecins militaires belges se chargeaient des soins à donner à ces blessés (***) – Ils étaient autorisés à sortir en ville en tenue civile – Cette autorisation ne nous était pas accordée et nous ne pouvions sortir de l’hôpital. A part cela, nous étions convenablement traités, et nourris, (D’ailleurs par les soins de l’administration civile de l’hôpital dont le directeur se montra toujours fort obligeant) – nous avons extrêmement peu de rapports avec les allemands – Plusieurs bâtiments de l’hôpital étaient cependant consacrés à des blessés ou malades allemands, mais nous n’en approchions pas.

Départ pour la captivité...

Le 18 (ou le 19) septembre le médecin chef allemand nous fit appeler et nous demanda si nous étions disposés à partir volontairement donner nos soins dans des camps de prisonniers français et à signer une déclaration dans ce sens. Nous ne crûmes pas devoir accepter, (au moins d’être volontaires pour cela) nous lui déclarâmes que nous pensions être plus utiles en rentrant en France, conformément à la Convention de Genève, puisque nous n’avions plus à soigner les blessés pour lesquels on nous avait laissés et que nous maintenions notre demande de rentrer en France le plutôt possible. Il parut contrarié et nous dit de réfléchir.

Deux jours après nous recevons tous l’ordre ferme d’aller au camp d’Ohrdruf, près d’Erfurt, en Saxe-Gotha. Le médecin chef en nous transmettant l’ordre déclara que nous avions de la chance, que ce camp était très bien installé, que le pays était très joli, pays de sports d’hiver ; que d’ailleurs nous y rendrions beaucoup de services aux nôtres car il y avait de nombreux prisonniers blessés ou malades, et qu’enfin nous serions bien traités, bien nourris, et même bien payés (comme les médecins allemands). Tableau enchanteur, mais qui ne nous enchanta que médiocrement. Mais je dois reconnaître que celui-là au moins se donnait la peine de dorer les barreaux de la cage.

En attendant toutes ces splendeurs on nous convoqua quelques heures plus tard pour nous payer (disait-on) la solde correspondante de notre grade depuis le jour de notre captivité – mais un instant après on déclara qu’on nous paierait plus tard quand nous serions arrivés à Ohrdruf et on nous renvoya faire nos préparatifs de départ.

Celui-ci eut lieu le soir même. On nous fit traverser la ville en automobile (pour éviter probablement les mêmes incidents qu’à notre arrivée) – Notre convoi était important car en outre des douze médecins français que nous étions maintenant (*), des douze infirmiers que nous avions amenés avec nous de Florennes – on envoyait 25 ou 30 médecins militaires belges à destination d’un camp de prisonniers du côté de Munster (***).

A la gare on nous embarqua dans des compartiments de 1ère et 2e classe (…) ».

Notes :

(*) Essai d’identification des 12 médecins militaires français « prisonniers » des Allemands à Liège et envoyés en Allemagne : 10 septembre 1914 - Arrivée à Namur de 8 médecins capturés à Maubeuge, dont quatre vont à Liège (Médecin aide-major de 1ère classe Chevallier, du 2e Régiment d’infanterie territoriale (RIT) ; médecin auxiliaire Trampont, du 2e RIT ; médecin auxiliaire Roy du 85e RIT ; médecin auxiliaire Baroux du 5e RIT). Quatre médecins restent à Namur : Bontemps, Bouffiez, Cavro, Signoret. - 11 septembre 1914 - Arrivée à Liège, en provenance de Namur de deux des médecins de Maubeuge qui y étaient restés le 10 septembre : médecin auxiliaire Cavro (dit, de Lille) du 2e RIT ; médecin aide-major de 1ère classe Signoret du 85e RIT. - 15 septembre 1914 – Arrivée à Liège de quatre médecins militaires français capturés à Florennes : médecins aides-majors Dejust et Oudot, de l’amb. n°6/10 ; Bertrandon et Guinet de l’amb. n°7/10. - 18 septembre 1914 – Arrivée à Liège, en provenance de Namur du médecin aide-major de 1ère classe Sevaux et du médecin auxiliaire Petit, du 2e bataillon du 45e régiment d’infanterie (II/45).

(**) Mélis donne 4 500 hospitalisés à Liège, y compris les blessés allemands, anglais et français (mention par ailleurs du nombre de 70 militaires français hospitalisés).

(***) Signoret a compté 30 médecins et Mélis donne : 31 médecins belges envoyés en Allemagne ; 13 médecins maintenus à Liège dont le médecin principal Henrard (envoyé en Allemagne du 12 octobre 1914 au 17 janvier 1915) et les autres personnels sanitaires sont renvoyés chez eux, dont encore une dizaine de médecins belges.

Sources :

Musée du service de santé des armées au Val-de-Grâce, à Paris, carton n°633, dos. 46 (Bertrandon) ; carton n° 634, dos. 55 (Chevallier) ; carton n° 640, dos. 47 (Signoret).

Mélis L. Contribution à l’Histoire du Service de santé de l’armée [belge] au cours de la guerre 1914-1918. Bruxelles, 1932, 546 p.

En marge de l’article sur Liège 1914 et en souvenir des victimes belges des atrocités allemandes, pour marquer cette année 2014 de commémorations attrape-tout et efface-tout !... je vous propose un lien vers la très complète monographie de Simon Alexandre sur Tamines : « Mémoire d’une cité martyre : le massacre de Tamines du 22 août 1914 », proposée en PDF par l’auteur ; et la courte vidéo de la RTBF sur le Massacre de Tamines par les Allemands.

Reportage de la RTBF : Tamines, 22 août 1914.

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Colloque "Entrer en guerre dans l'Oise en 1914"

14 Août 2014 , Rédigé par François OLIER Publié dans #varia, #Centenaire

Colloque "Entrer en guerre dans l'Oise en 1914"

Colloque "Entrer en guerre dans l'Oise en 1914"

Centenaire 14-18, 14-18, l‘Oise se souvient , ONAC, Ville de Senlis, APHG, CANOPE et un collectif de sociétés historiques de l’Oise : Compiègne (2), Noyon, Senlis, Chantilly (centre culturel), Crépy-en-Valois, Clermont (SAHC) se sont associés pour organiser à Senlis un colloque sur le thème :

« Entrer en guerre dans l’Oise en 1914 »

les 26 et 27 septembre 2014, à la salle de l’obélisque de Senlis de 9 h 30 à 16 h.

Entrée libre.

Parmi les thématiques sanitaires :

Les hôpitaux militaires à Clermont-de-l'Oise, par Guy Isambart et Les Scottish women of Royaumont, par Marie-France Weiner, etc.

On se réfèrera à l'actualité de la société archéologique et historique de Clermont (SAHC) pour accéder aux articles bien documentés de Guy Isambart sur les hôpitaux temporaires de l'Oise en 1914-1918.

A CONSULTER sur "Compiègne 1914", une "ville hôpital"

Programme du Colloque "Entrer en guerre dans l'Oise, 1914".

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TROYES VILLE-HOPITAL 1914-1918

9 Août 2014 , Rédigé par François OLIER - remerciements à Francis Tailleur Publié dans #varia, #Centenaire

TROYES VILLE-HOPITAL 1914-1918

« TROYES VILLE-HOPITAL » 1914-1918

Vous trouverez ci-dessous le lien vers un dossier remarquable mis en ligne par la municipalité de Troyes, très engagée sur le front de la Commémoration du Centenaire de la Grande Guerre, intitulé : « Présentation historique et catalogue évènementiel des commémorations du Centenaire 14/18 »

L’on y trouvera beaucoup d’éléments concernant les thématiques sanitaires, en particulier :

p. 8, 9 et 10 un fort paragraphe sur "Troyes - ville hôpital" (avec des reproductions de cartes postales), in La Guerre de 1914-1918, par Emmanuel Saint-Mars.

p. 47, l’annonce de « Troyes – ville hôpital » au travers de la bande dessinée bien connue des passionnés de 14-18, « L’Ambulance 13 » de Cothias-Ordas et Mounier, laquelle abordera : « les soins aux blessés, le rôle des infirmières, etc. »

p. 55, l’impressionnant programme, sur trois ans…, des conférences-débats des membres de la société académique de l’Aube, dont plusieurs sont à thématiques « sanitaires » :

- les souvenirs d’une infirmière en chef à l’hôpital auxiliaire n°201 ;

- l’organisation sanitaire de Troyes et son agglomération ;

- l’action de la Croix-Rouge de l’Aube pendant la Grande Guerre et son organisation, etc.

Et je termine par la magnifique photo de groupe (p. 83) des personnels infirmiers de la 23e section d’infirmiers militaires, datée de septembre 1914 (infirmerie de gare de Troyes).

L’infirmerie de gare de Troyes a été mise en œuvre par le comité troyen de la Société de secours aux blessés militaires (SSBM) de la 20e région militaire, avec celles de Nogent-sur-Seine et Brienne-le-Château.

Amis troyens vous avez devant vous de belles années de commémorations ! Bravo M. Baroin ! Bravo M. le Maire !

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EN MARGE DE LA BATAILLE DE MORHANGE : LA PERTE DE L’AMBULANCE N°4/16…

4 Août 2014 , Rédigé par François OLIER

EN MARGE DE LA BATAILLE DE MORHANGE : LA PERTE DE L’AMBULANCE N°4/16…

EN MARGE DE LA BATAILLE DE MORHANGE : LA PERTE DE L’AMBULANCE N°4/16…

Du 18 au 20 août 1914 la IIe armée française (15e, 16e, 20e corps d’armée) est engagée dans une offensive en direction de Morhange, en Lorraine annexée. Nous allons nous intéresser aujourd’hui au service de santé du 16e corps d’armée (CA) qui progresse à la droite du dispositif français, et plus particulièrement à la 32e division d’infanterie (32e DI) rassemblée dans la région d’Hemming qui veille à la liaison avec la Ière armée qui tente d’avancer en Alsace ; qui est également placée en soutien de la 31e DI du 16e CA, en pointe offensive en direction de Mittersheim. La 31e DI est arrêtée par les Allemands au nord d’Angweiller et l’état-major du 16e CA, en raison de ses pertes, la fait rapidement relever par la 32e DI. Cette dernière reprend l’offensive en direction de Rohrbach et Ludrefing. Le 20 août, les Allemands, favorisés par le recul du 15e CA (Dieuze-Bidestroff) passent à l’offensive entre Rohrbach et Mittersheim. Les forces ennemies, victorieuses d’un 15e CA trop en pointe, débouchent de Zommange vers Guermange et menacent directement la gauche de la 32e DI qui se trouve en ligne. Le 16e CA doit se retirer sur Maizières, au sud-ouest, pour ne pas se laisser déborder et maintenir sa liaison avec le 15e CA voisin. Au soir du 20 août, le général de Castelnau, commandant la IIe armée, est contraint d’ordonner la retraite générale : le 16e CA, pressé par les forces ennemies, doit se retirer dans la grande direction de Lunéville.

Le Service de santé du 16e CA et de la 32e DI dans la bataille.

Dès le 10 août 1914, le 16e CA détacha à la 32e DI, dépourvues d’ambulances divisionnaires organiques, deux formations sanitaires de campagne : les ambulances n°3/16 et n°4/16, lesquelles suivirent la division en Lorraine annexée. Le 19 août, la majeure partie des moyens sanitaires du 16e CA fut engagée autour d’Angerwiller et de Bisping, dans la région des étangs : l’ambulance n°1/16 était à Angweiller, la n°2/16 à Bisping, les 5/16, 6/16 et le groupe de brancardiers de corps n°16 cantonnaient également à Bisping, « en attente ». La section sanitaire automobile (SSA) du 16e CA approvisionnée par le groupe de brancardiers divisionnaires (GBD) n°31 procèdait à Bisping à l’enlèvement des blessés de la 31e DI puis elle se repliait sur Moussey où elle cantonnait. Le 20 août, dans le cadre du repli général de l’armée, les formations sanitaires de campagne du 16e CA (ambulances n°1/16,2/16, 3/16, 5/16, 6/16 et le GBC n°16) se replièrent sur Laneuville-aux-Bois puis sur Lunéville dans la nuit du 20 au 21 août 1914. La 31e DI laissa à Bisping un médecin et deux infirmiers de l’ambulance n°1/16 pour secourir les inévacuables de la division, tandis que l’ambulance n°4/16 de la 32e division tombait aux mains de l’ennemi…

Rapport de captivité du médecin-major de 2e classe de réserve Rouanet-de-Lugan Camille Charles Maurice [né en 1873], médecin-chef de l'ambulance n°4 du 16e corps d'armée, daté de Castres (Tarn), le 20 août 1915.

« [page 1] Rapatrié après onze mois de captivité en Allemagne, j'ai l'honneur de vous adresser un rapport détaillé sur les événements auxquels j'ai été mêlé depuis le 20 Août 1914, jour où j'ai été fait prisonnier avec mon ambulance, jusqu'au 18 Juillet 1915, date de ma libération. II ne m'avait pas été possible de vous envoyer plus tôt ces détails, à cause d'une sciatique et d'une otite contractées en Saxe et qui ont nécessité jusqu'ici des soins continus.

La 32e DI est engagée…

Le 20 Août 1914, je reçus l'ordre, vers six heures et demie, de me rendre aux environs du moulin de Nordveiller [Nolweyer] (Lorraine annexée), après avoir passé une partie de la nuit à donner mes soins à des blessés, dans l'église d'Ansveiler [Angweiller], (voisine des lignes de feu, où se déroulait un combat meurtrier). [page 2] Monsieur le médecin principal divisionnaire de Casaubon* me prévint que je devais attendre là de nouvelles instructions. Quelques instants après, nous quittions tous le village menacé, où les obus tombaient de plus en plus, à la suite du passage d'un aéroplane allemand qui avait repéré nos positions d'artillerie au moyen de fusées plongeantes. Arrivé à 500 mètres en arrière d'Ansveiller [Angweiller], au village de Bishing [Bisping] je fus questionné par un officier d'état-major qui me dit textuellement ceci :

- "Vous n'y pensez pas, docteur ! Votre ambulance court un grand danger. Vous devez aller immédiatement en arrière et au moins à 8 ou 10 kilomètres ; ici fonctionnent seulement les postes de secours. - Songez donc que ce sont les lignes de feu."

Je le remerciai de son avis et lui répondit aussitôt :

- "Il se peut que nous courions un grand danger mais je dois obéir strictement à mon chef direct et me rendre à côté au moulin de Nordveiller [Nolweyer]. Arrivé là, je provoquerai de nouveaux ordres, si la situation devient plus grave. Merci pour vos conseils, que je transmettrai à Monsieur le Médecin Principal."

En fonctionnement au moulin de Nolweyer (20 août)…

L’ambulance s’installa donc au point désigné et, conformément aux prescriptions de M. le général de division, je fis ranger les voitures dans un petit chemin parallèle à la grand’ route pour ne gêner en rien les mouvements de l’armée. Bientôt après passaient les brancardiers divisionnaires et les ambulances 1 et 3 se dirigeant vers [page 3] Guermange elle aussi. Le même cycliste revint quelque temps après et avoua n'avoir pu trouver personne : ni brancardiers divisionnaires, ni ambulance 3. Celle-ci était destinée à fonctionner immédiatement au moulin de Nordweiler [Nolweyer].

La position devenait de plus en plus critique. L'ennemi venant de s'emparer du village voisin d'Answeiler [Angweiller] (d'après des renseignements confirmés par des Officiers du 9° d'Artillerie, qui quittait le terrain).

On voyait, non loin de là, des équipes de brancardiers porter de nombreux blessés. Quoique n'ayant reçu aucun ordre, puisque c'était l'ambulance 3 et non la mienne qui devait fonctionner alors, je n'hésitais pas une minute et enjoignis à mon cycliste de se rendre auprès de mon médecin divisionnaire, de lui répéter les propos tenus le matin par l’officier d'état-major, d'ajouter que malgré le danger je restais à mon poste et que mon intention, s’il le jugeait utile, était de m'installer sans retard dans le moulin, attendu que la présence d'une ambulance à ce point était urgente. Mon cycliste revint bientôt après, annoncer que ma proposition était agrée. Il me répéta les termes mêmes de son entrevue avec Monsieur le médecin divisionnaire de Casaubon, lequel avait dit que je n’avais point à tenir compte des observations de cet officier d'état-major et que :

- " Si tout le monde voulait gouverner, on ne s'y reconnaîtrait plus".

J'avais obéi ponctuellement à mon chef, mais il m'avait paru bon de le renseigner sur l'opinion émise le matin même, à mon passage à Bisping, par le dit officier d'état-major, afin d'insister sur le danger d'un séjour prolongé dans ces parages, danger connu de tous mes officiers [page 4] qui trouvaient, eux aussi, qu'une ambulance aurait dû être bien plus en arrière.

Monsieur le directeur du Service de santé du 16e corps, m'avait dit à Mirecourt, le 10 août, que je devais, en ma qualité de médecin de réserve, me conformer ponctuellement aux ordres de mon chef divisionnaire, que telle devait être ma règle absolue. C'est ce que je fis toujours malgré les dangers. Avant midi, mon ambulance était déjà en action. Je divisai mon personnel en deux groupes : un réservé aux grands blessés, sous mes ordres directs, un second destiné aux blessés légers, ou malades. Chacun de ces groupes prit possession d’une des dépendances de la ferme. Les blessés y affluèrent presque aussitôt provenant de plusieurs régiments.

Vers midi, Monsieur le médecin divisionnaire de Casaubon, arriva, constata que j'avais pris toutes dispositions utiles, me félicita d'avoir provoqué des ordres et d'avoir eu l'initiative de porter secours aux blessés dans le plus bref délai. Il ajouta qu'en effet c'était l'ambulance 3 qui devait s'installer là, qu'on ne l'avait pas rencontrée, mais qu'il avait envoyé de nouveau son cycliste à sa recherche et qu'elle nous aiderait dès son arrivée. Je ne manquai pas d'observer respectueusement à mon chef que les observations de l'officier d'état-major me paraissaient fondées et que nous risquions fort avec nos blessés, en demeurant là trop longtemps, les projectiles sifflant de plus en plus et déjà des compagnies du 53e de ligne se repliaient. Il ne croyait pas certainement au danger, que je surveillais de près dans les rares loisirs que me laissaient les pansements, et dont Mr. le chef de musique [page 5] Roques, du 143e, se faisait l'écho auprès de Monsieur le docteur Deumier [médecin-chef du 143e régiment d’infanterie, dont le témoignage concordant avec celui du docteur Rouanet figure, en partie, in fine]. Il donna l'ordre à mon officier gestionnaire, Monsieur Jacon, d'installer la tente Tortoise. Monsieur Jacon était, lui aussi, tellement persuadé du péril croissant, qu’il ne transmit ledit ordre qu'après l'avoir fait réitérer. A ce moment, je jugeai prudent de rassembler un groupe de blessés légers pansés, sous la conduite d'un adjudant, pansé lui aussi, et de les renvoyer à l'arrière. C'est à cela seul qu'ils doivent de ne pas avoir partagé notre malheureux sort.

Vers 14 heures, Monsieur le directeur au service de santé de la 32e division, qui m'avait aidé à faire des pansements, se prépara à quitter les lieux. Il m'informa qu'il se rendait au village de Guermange, afin de m'envoyer des voitures, réquisitionnées pour nos blessés. Sur une question que je lui posai quand il partait, dans le but de savoir si je devais l'attendre, il me répondit ceci :

- « Je serai bientôt de retour. Mais si quelque chose n'allait pas, repliez-vous sur Guermange, dans une demi-heure ».

Peu d'instants après, je vis que le mouvement de retraite s'accentuait et je réquisitionnai sur place les véhicules, chevaux et conducteurs qui s'y trouvaient, tandis que le matériel était mis sur les voitures et que les blessés graves, (il n'y avait aucun intransportable), étaient placés sur les charrettes, avec un lit de paille. Moins de 20 minutes après le départ de Monsieur de Casaubon, le convoi quittait Nordweiler, en hâte, des projectiles (obus, balles) survenant toujours. Un de ces obus tomba même à moins de 50 mètres de la première voiture. A 300 mètres environ de Guermange, [page 6] nous fûmes reçus par des coups de feu, qui ne produisirent que peu d'effets. Je ne parlerai que pour mémoire d'une balle qui effleura mon genou gauche, produisant une hémorragie sans gravité. Craignant que ma mère ne fut mise au courant de cet incident, je le cachai soigneusement, entourai le genou d'un mouchoir compressif et retournai rapidement vers les blessés, qui nécessitaient ma présence au milieu d’eux. Les marches des jours suivants, le frottement du pantalon, la chaleur extrême provoquèrent une lymphagite de tout le membre gauche, à tel point que le 30 août, en quittant la forteresse de Königstein pour le lazaret de Königsbrück, je dus exiger du colonel saxon l'envoi d'une voiture, (ce qu'il accepta après avoir examiné ma jambe et m'avoir demandé si je paierais cette voiture...) Le repos et l’antisepsie me guérirent assez vite. Je ne réclamai les soins de personne, tant la chose était insignifiante en elle-même.

En somme peu de touchés parmi les hommes; un cheval fut frappé assez sérieusement et ne put aller plus loin que Guermange. Les coups de feu se multipliaient ; un capitaine du 80e de ligne, Monsieur Sautriau, grièvement blessé et couché sur une charrette, se rendant compte qu'une catastrophe générale allait survenir, malgré que chacun agitât les drapeaux de la Croix-Rouge, éleva un drapeau blanc fait d'un mouchoir et d'un fouet et cria à pleins poumons : "Des blessés, des blessés !" La fusillade cessa aussitôt et nous distinguâmes des masses noires se détachant sous les arbres entourant le village. C'étaient les ennemis !

Prisonniers de guerre…

[page 7] J'aidai mes officiers à calmer la vive agitation produite parmi les blessés, tandis qu'une unité s'étant détachée de la compagnie allemande réclama l'envoi d'un parlementaire. Il y avait là avec mon ambulance environ 180 blessés, des infirmiers, des brancardiers et musiciens, soit un total approximatif de 300 Français, dont une vingtaine d'officiers. Monsieur l'aide-major de 2e classe David, interprète et Monsieur Jacon, mon Officier d'administration furent délégués par Monsieur le médecin-major de 1° classe Deumier du 143e d'Infanterie, qui était alors l'officier le plus élevé en grade du détachement et avait rejoint vers midi mon ambulance, avec plusieurs de ses confrères. Après les pourparlers qui durèrent un quart d'heure et furent mouvementés, (comme nous le raconta ensuite Monsieur Jacon), le convoi fut mandé à Guermange. J'essaierai de faire comprendre au capitaine du 17e Bavarois (Infanterie), ainsi que Monsieur Deumier, que nous n'étions pas des "combattants’', au sens de la convention de Genève, mais des "neutralisés” ; il braqua sur moi son revolver et vociféra ce seul mot : " fusiller ".

Je n'insistai pas ; toute tentative d'explications complémentaires devenait inutile. Du reste, tous ceux qui tentèrent de s'expliquer eurent la même menace comme réponse. Un Alsacien, incorporé au 17e Bavarois, nous montra cinq mitrailleuses dirigées vers les points par où nous aurions essayé d'échapper. Echapper eût été non seulement impossible à cause de ces mitrailleuses, mais aussi de par la topographie du terrain : en arrière, à droite et en avant l'ennemi; à gauche un terrain noté marécageux sur les [page 8) cartes. La seule route carrossable était celle d'Azoudange et pour y arriver, il fallait passer par Guermange ! ... C’étaient aussi les instructions reçues. Nous étions "prisonniers de guerre", comme le répétait à tout instant le Capitaine.

Pour se donner un semblant de raison, il soutint que le matin, les Français avaient tiré sur les formations sanitaires allemandes. J'appris, la semaine suivante, par un sous-lieutenant du 4° bataillon de chasseurs, (enfermé avec moi dans une forteresse), qu'en effet une compagnie du 4° avait tiré le 20 août sur des ambulances allemandes, (parce que celles-ci avaient servi, sous le pavillon de la Croix-Rouge, à amener une mitrailleuse près des lignes.)

Entre menaces et pillages…

De là, les menaces de me fusiller, qui faillirent être réalisées. On pilla mes voitures, on s'empara de tout ce qu’elles renfermaient, malgré mes protestations nouvelles Monsieur Deumier et moi fûmes pris au loin, entourés chacun de deux bavarois armés. On me conduisit dans un champ et je crus que ma dernière heure était venue, d'autant plus que mes sentinelles ricanaient et me menaçaient. Après un court arrêt dans une prairie, - Monsieur Deumier, avait suivi une autre route, - on me fit traverser un bois au-delà duquel gisaient des blessés allemands. Au loin on apercevait des groupes français qui se retiraient en tirant des feux de salve, ce qui m'exposa, à ce moment, à être tué par mes compatriotes, après avoir été sur le point de l'être par mes ennemis. Un interprète du 17e m'ordonna de panser quelques soldats allemands ce que je fis aussitôt, malgré une soif ardente, un soleil de plomb, une lassitude très grande. - Je fus ensuite accompagné dans une ferme, où je retrouvai M. Deumier et quelques français prisonniers [page 9] C'est là qu'agonisait le colonel au 17e régiment bavarois, qui avait été mortellement atteint et dut expirer bientôt après ; la colère de ses hommes était expliquée ainsi...Le pillage de mes voitures et cantines avait été complet ; de plus j'avais été fouiIlé par mes sentinelles, qui m'avaient tout enlevé, (sauf la montre et le porte-monnaie que j'avais cachés dans mes souliers, au moment des premiers pourparlers entre Mr David et le capitaine bavarois, en prévision de ce qui arriverait); bref, je me trouvai alors si dépouillé que je dus emprunter un mouchoir à un soldat, pour me couvrir la tête et éviter une insolation. Un bavarois me l'arracha violemment...Tout cela pour montrer combien fut féroce l'attitude de nos ennemis, auxquels le sens du mot "humain" est inconnu... Nous marchâmes pendant plusieurs heures et arrivâmes au village d'Alsdorff, où l'on nous enferma dans une écurie, sans nous donner un morceau de pain. A peine, étions nous allongés sur une mince couche de paille, qu'un officier allemand entra et réclama l'écurie pour ses chevaux : on nous relégua donc sous le toit... Le lendemain nous allâmes au camp [de prisonniers français] de Morhange[s], où un officier du 18° d'infanterie bavaroise nous autorisa à soigner nos blessés, extrêmement nombreux et venus de divers côtés. Nos voitures d’ambulances avaient été menées, sauf une seule, dont le cheval avait été blessé la veille près de Nordveiler. C’est là que je fus témoin d'une nouvelle atrocité.

Des otages du village de Dalhain avaient été amenés, sous le prétexte que des habitants avaient tiré sur les troupes allemandes. On les obligea à se coucher sur le ventre, avec menace [page 10] d’être massacrés au moindre mouvement ; en leur permettant de se confesser, car ajoutaient leurs bourreaux, ils seraient fusillés le lendemain ; un vieillard de 80 ans ayant dû se soulever un peu, reçut un coup de crosse sur le crâne. On le mena à l’ambulance pour être suturé… Le lendemain, un autre vieillard mourut d’insolation en route et je fus appelé à constater le décès : il fut inhumé séance tenante.

Ces journées de marche furent terribles ; une chaleur accablante, pas de nourriture, pas d’eau, presque pas de haltes, et avec cela, des kilomètres à n’en plus finir, de 5 heures du matin à 4 heures du soir…

Départ pour l’Allemagne…

Le samedi [22 août], les 3000 prisonniers et nous, fûmes mis dans un train spécial, à Foulquemont, non sans avoir été, aussi, déprimée moralement, puisqu’à Morhange[s], on nous avait informés officiellement, que Belfort était pris par les Allemands, avec 67 000 prisonniers…

Si je voulais tout raconter de mes souffrances et de nos dangers, ce serait vraiment trop long et trop triste.

Le dimanche 23 août, vers 15 heures, nous débarquions à Darmstadt. Une foule compacte, excitée par le général Von Randow, nous insultait sur les boulevards, nous menaçait grossièrement. A chaque 100 mètres (j’étais au premier rang), ce général arrêtait la marche, nous montrait du doigt et la populace criait avec lui : (Hoch Bayer), en témoignage de gratitude pour la Bavière qui nous avait capturés. Pour bien montrer, cependant, que la prise n’était pas importante et que les lois de la guerre avaient été violées, j’avais donné l’ordre [page 11], en gare, (me doutant des évènements), d’arborer ostensiblement les brassards de la Croix-Rouge. Cela n’empêcha pas les Allemands de vociférer après des « non-combattants ». Quelle victoire, remportée sur les règles de l’honneur et de l’humanité… !

Le mercredi [26 août 1914] matin nous filions vers la Bavière, sans avoir réussi à nous faire rendre nos cantines. Je dois ajouter ici que mes médecins avaient été dirigés, dès le 21 août, sur un autre centre et que je demeurais seul avec mon personnel et mes deux officiers d'administration. Quarante heures de chemin de fer nous conduisirent en gare de Dresde, non sans avoir été promenés à travers cent gares différentes, comme des criminels. Partout les habitants nous injuriaient ignominieusement. A Dresde, malgré mes protestations et celles de Monsieur Deumier, on nous sépara des infirmiers et des blessés ; ils furent dirigés sur le camp de Königsbrück ; nous filâmes à pied vers la forteresse de Königstein. Le dimanche d'après, tous deux, allions rejoindre les blessés français à Königsbrück, où nous séjournâmes SEPT mois dans un emprisonnement quasi-absolu. Le 16 mars [1915], une épidémie de typhus exanthématique et de méningite cérébro-spinale ayant éclaté au camp Franco-russe de Zwickau, (toujours en Saxe) on nous y conduisit. Là, nous ne pûmes soigner personne (du moins officiellement) et l'on nous interdit même l'accès des salles du Lazaret, tandis qu'on nous refusait aller au camp et à l'infirmerie.

Le supplice dura encore 4 mois. Enfin, le 15 juillet [1915], nous quittions Zwickau, après avoir été fouillés longuement [page 12] et privés de certains objets achetés par nous. Le 17 nous traversions la Suisse, charitable et amie, pour arriver à Lyon le 18 [juillet 1915] dans la matinée.(…) »

Autre témoignage sur la perte de l'ambulance n°4/16

Le médecin major de 1ère classe Sébastien Eugène Deumier [1865-1938] médecin-chef du 143° régiment d'infanterie rentrant de captivité, à Monsieur le ministre de la Guerre, Paris, daté du 27 juillet 1915.

« Rentré en France après 11 mois de captivité en Allemagne ou J'étais retenu malgré les réclamations incessantes que j'ai adressées à toutes les autorités, J’ai l'honneur de vous adresser le compte rendu de la prise du personnel et du matériel du Service de Santé du 143e régiment d'infanterie à la date du 20 août et de vous faire connaître le traitement auquel j'ai été soumis depuis cette date jusqu’au 18 Juillet 1915, jour de ma rentrée en France. (...)

Le 20 août à 6 heures, après avoir pris conseil de mon médecin divisionnaire, j'allai installer le poste de secours du 143e pris de Bisping, le village d'Angwiller où nous avions passé la nuit étant violemment bombardé par l'ennemi. Vers 10 heures, j'allai placer le poste de secours sur l'ordre de M. le Principal de Casaubon [page 2] dans la clairière d'un petit bois situé au sud de la route de Bisping à Guermange. Je devais fonctionner là comme ambulance pour tous les blessés de la division en attendant que l'ambulance n° 4[/16] vint s'installer à proximité du moulin de Nolweyer. Jusqu’à 13 heures nous avons gardés avec moi et un certain nombre d'infirmiers, tous les blessés de la division. - On m’en apporta même un grand nombre du 143e d'infanterie qui avait été décimé l'avant-veille à Angviller. - A deux reprises différentes je fis partir un convoi de blessés légers sur Azoudange en passant par Guermange. C'était sur Azoudange qu'il fallait diriger tous les blessés, c’était d'ailleurs la seule route sure en cas de retraite.-

Vers 12 heures et demie M. le médecin divisionnaire de Casaubon vint, visiter notre installation, il nous félicita ainsi que tout notre personnel du zèle qu’on avait déployé et de l'organisation du poste de secours il nous dit que nous pouvions le relever et donner tous nos blessés à l'ambulance n° 4 installée au moulin de Nolweyer -

Je m'y transportai immédiatement et je continuai là à donner mes soins aux blessés du 143e qui affluaient de tous les côtés. Depuis 12 heures 1/2 j'étais avec le médecin divisionnaire lorsque vers 14 heures il nous quitta pour aller réquisitionner des voitures à Guermange afin de transporter les blessés. Il ajouta : je reviens dans un instant, si quelque chose d'anormal survient, repliez-vous sur Guermange. Rien d'ailleurs à ce moment-là ne pouvait faire prévoir un danger quelconque. -

L'ambulance installa même la tente Tortoise, mais il nous sembla au bout d'un moment qu'un mouvement de retraite se produisait et nous n'attendîmes pas l'ordre du médecin divisionnaire pour partir. M. Jacon, officier gestionnaire de l'ambulance réquisitionna toutes les voitures de la ferme, les infirmiers de [page 3] de l'ambulance et du 143e chargèrent tous les blessés sur les voitures et l'ordre du départ fut donné. J'aurais pu partir seul avec le détachement médical du 143e, mais tous les brancards du régiment étant occupés par les blessés je décidai de prendre le commandement des 2 convois pour aller à Azoudange ou après avoir déposé les blessés, l'ambulance pourrait me rendre les brancards.

Au moment où nous nous mîmes en route 2 médecins et un certain nombre de brancardiers du 342e viennent se joindre à nous, eux aussi disaient que l'armée battait en retraite et que le seul moyen que nous avions de ne pas être pris était de partir sur Azoudange. A peine avions nous fait 500 mètres que des balles sifflèrent à nos oreilles, sur notre droite. Nous nous mîmes à l'abri des voitures et continuâmes à avancer. Mais bientôt deux obus éclatèrent près de nous, l'un à 50 mètres en avant de la 1ère voiture, l'autre à 25 mètres de nous dans un champ marécageux situé à notre gauche. Ils ne causèrent aucun dégât. A 150 mètres de Guermange, au moment où les voitures allaient s'engager sur la route d'Azoudange, plusieurs coups de feu venus du village nous obligèrent à arrêter le convoi et nous aperçûmes une compagnie d'allemands (17e bavarois) qui occupait le village et tirait sur nous. Notre retraite était coupée. Le médecin auxiliaire Saisset, le caporal brancardier Gassiot et le soldat ordonnance Clarac essayèrent de fuir, mais ils furent reçus par des coups de mitrailleuse et obligés de revenir au convoi. Trois autres soldats se sont sauvés quelques instants après, pendant que nous parlementions ils passèrent inaperçus.

Depuis le premier coup de feu, j'avais donné l'ordre aux conducteurs des voitures médicales et d'ambulance de prendre le drapeau de la Convention de Genève et de l'agiter pour le rendre plus visible de l'ennemi afin que celui-ci se rendit-compte que c'était un convoi de blessés, mais les coups de feu continuaient quand même. (...)"

La perte de l’ambulance n°4/16, détachée à la 32e DI, fut la conséquence de l’engagement prématuré, trop près de la ligne des combats, en phase de mouvement, d’une formation sanitaire de campagne. Le fonctionnement de la 4/16 au moulin de Nolweyer fut une faute de jugement du médecin-chef de l’ambulance - réserviste à l’autonomie bridée par son supérieur d’active - entérinée par un médecin divisionnaire, très mal renseigné, qui se laissa imposer cette situation. Quand il tenta de réagir, en poussant au repli, il était trop tard.

La priorité, dans cette période de flottement, devait être donnée aux liaisons, aux évacuations et à l’organisation d’un poste de recueil des éventuels intransportables, à l’exemple de la division voisine. Celle-ci, la 31e DI, avait été sérieusement engagée dès le 18 août 1914 : 1800 blessés ou blessés, dont l’essentiel regroupé à Bisping. Le médecin principal (MP) de 2e classe Esprit, médecin divisionnaire de la 31e DI avait alors échelonné ses deux ambulances  (n°1/16 à Angweiller et n°2/16 à Bisping) dont l’une placée en recueil (n°2/16) avait fait fonction de point d’embarquement voie routière à Bisping. Il est regrettable que le MP2 de Casaubon, de la 32e DI, n’ait pas usé d’autant d’organisation et de fermeté dans sa manœuvre sanitaire que son collègue de la 31e DI ; cela aurait probablement évité la perte de la « 4/16 » et des moyens sanitaires de la 32e division qui s’y étaient amalgamées.

Note :

(*) Léon Pierre Sylvain de Lavedan de Casaubon (1859-1948), médecin principal de 2e classe, chef du service de santé de la 32e division d’infanterie.

Sources : Archives du Musée du service de santé des armées, au Val-de-Grâce, à Paris, carton n°635, dossier 43 (Deumier) ; carton n°640, dossier n°21, nouveau classement (Rouanet de Lugan).

A LIRE sur les combats autour de Morhange : Morhange 1 - Morhange 2 - Dieuze

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MOBILISATION 1914-1918, C'EST PARTI POUR QUATRE ANS !

2 Août 2014 , Rédigé par François OLIER Publié dans #varia

MOBILISATION 1914-1918, C'EST PARTI POUR QUATRE ANS !

Bonjour

Et oui, c'est parti... pour quatre ans !

Un souvenir ému pour ceux qui ne goûteront pas ces années de Centenaire de la Guerre de 1914-1918, attendues depuis des décennies...

In memoriam :

A Jacques Verdeau, Jean Peigné, Yves Robert, Yves Bourges, Yves Vilain... et tous les autres cartophiles et marcophiles qui m'avaient ouvert leurs collections, dès 1978. Merci.

Pour tous les autres, les "dinosaures" des clubs et des bureaux, les sempiternels fossoyeurs d'associations, les collectionneurs, les compulsifs, les passionnés, les opportunistes de tous bords..., en deux mots : les survivants.

A tous, Bon Centenaire !
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L’hôpital japonais de Paris (1915-1916)

1 Août 2014 , Rédigé par François OLIER Publié dans #les hopitaux

Tournage au musée du service de santé des armées au Val-de-Grâce à Paris - De gauche à droite : MM. Pierre Caule, Kazuaki Tsujimoto, François Olier et Kenzo Watanabe.
Tournage au musée du service de santé des armées au Val-de-Grâce à Paris - De gauche à droite : MM. Pierre Caule, Kazuaki Tsujimoto, François Olier et Kenzo Watanabe.

A la recherche de l'hôpital japonais ou hôpital bénévole n°4bis du Gouvernement militaire de Paris (1915-1916)

En février 2014 j’étais contacté, par l’intermédiaire de mon éditeur, les éditions Ysec de Louviers, par Madame Mutsumi Funato, chargée de production, enquêtant pour la TV publique japonaise NHK, qui était à la recherche d’informations sur l’hôpital bénévole n°4bis du Gouvernement militaire de Paris, appelé aussi hôpital japonais de Paris. Madame Funato avait relevé dans le tome 2 des Hôpitaux militaires dans la Guerre 1914-1918 de votre serviteur et de Jean-Luc Quénec’hdu la notice sommaire sur le fonctionnement de cet hôpital japonais et souhaitait en connaître plus.

L’hôpital bénévole n°4bis de Paris, hôpital japonais de Paris (1915-1916)

Cet hôpital japonais, parrainé par la famille impériale japonaise - sans frais pour la France - était l’un des trois « joyaux sanitaires » (Paris, Londres, Saint-Pétersbourg) envoyés en 1914 par la Croix-Rouge japonaise pour une durée de cinq mois reconductibles, à destination des alliés du Japon. La mission sanitaire à destination de la France avait été organisée à Tokyo dès décembre 1914. Une sévère sélection de l’équipe sanitaire s’effectua au Japon. Le 16 décembre 1914, trente et un personnels soignants et administratifs embarquèrent à Yokohama sur le Fushimi-Maru et rejoignirent la France via le canal de Suez. La mission sanitaire débarqua à Marseille le 5 février 1915 et rejoignit Paris dès le 6 février où elle commença à fonctionner de manière autonome à compter du 15 février 1914 – Le docteur Shiota paraphe le registre des entrées le 16 février 1915 – à l’hôtel Astoria, mis sous séquestre en août 1914 comme propriété austro-allemande, sis au 1 rue de Presbourg et avenue des Champs Elysées à Paris (8e arrondissement). Cette mission médicale apportait du Japon le matériel médical, les médicaments et la lingerie (kimonos de malades…) nécessaires à son fonctionnement courant (de 130 à 140 tonnes, chargées à Marseille sur 14 wagons, en trois cent soixante-dix caisses). Un détachement d’infirmiers militaires de la 22e section d’infirmiers militaires (22e SIM) sous le commandement du lieutenant Eugène Wiesnegg et des équipes d’infirmières de la société de secours aux blessés militaires (SSBM) sous la conduite de la baronne Le Lasseur leur infirmière-major, avaient été mises à la disposition du docteur Shiota, médecin-chef de la formation japonaise.

Le personnel de la Croix-Rouge japonaise (1915-1916) : docteur SHIOTA, chirurgien en chef et médecin chef de la formation ; docteur WATANABE, chirurgien adjoint ; docteur K. MOTEKI, chirurgien ; K. HOSOKAVA, pharmacien ; YAMASAKI, administrateur ; ODA, interprète ; KAKOU, interprète. Les infirmières-majors : U. YUSSA ; S. HOMMA. Les infirmières Hatsumé TAKEDA ; Kashiku FUJISAWA ; Umé IMAI ; Nao INOUYE ; Masu SHOJI ; Satsuyo KANEHIRO ; Sudsuyé ARAKI ; Tsuta MORIMOTO ; Chio AKÂSAKA ; Katsuyo SHIMIDZU ; Kadzuyé KIMOURA ; Tadzu OSWA [OZAMA] ; Kin KATO ; Natsu KAWASE ; Masu TANAKA ; Yayé KINOSHITA ; Misé YAMAKITA ; K. KOSHORO ; Asa SONE ; Katsu KAMEDA ; Koto KUSHIRO. (Sources : Le Gaulois, 4 avril 1915 et Le Matin, 11 juin 1916. Attribution de la médaille en argent des Epidémies).

Les débuts de la «quête d’informations » au profit de NHK…

Madame Mutsumi Funato était mandatée, dans le cadre de la réalisation d’un docu-fiction dont la sortie était prévue au Japon en mai 2014, pour rechercher les descendants de blessés français hospitalisés ainsi que ceux des personnels hospitaliers. La TV NHK Tokyo disposait au Japon d’une documentation très importante constituée par la Croix-Rouge japonaise à partir des lettres, cartes postales, carnets, photographies et objets appartenant à Mademoiselle Hatsumé Takeda, l’une des infirmières de l’HB n°4bis et « héroïne » du docu-fiction à venir. Ce fonds avait été organisé au Japon, en 2009, pour illustrer les 150 ans de la bataille de Solférino (24 juin 1859) et la naissance de l’œuvre d’Henri Dunant (1828-1910).

Dans le cadre de cette recherche, mon rôle fut de servir de « consultant » auprès de Madame Mutsumi Funato pour lui permettre d’appréhender les arcanes du Service de santé militaire de la Grande Guerre, de son organisation et de son fonctionnement (infrastructure, praticiens et paramédicaux militaires) puis de la mettre en relation avec les institutionnels susceptibles de l’aider dans sa quête de témoignages. Cette recherche au large spectre s’inscrivant dans un laps de temps réduit, engagée dès le 6 mars 2014 via le « Forum 1914 », reçut d’emblée un excellent accueil et commença rapidement à porter ses fruits. Des noms de blessés et de personnels soignants français furent mentionnés et quantités d’extraits de la presse nationale extraits de Gallica sous PDF furent mis à disposition par les intervenants du forum toujours aussi réactifs et experts : Yv’, IM Louis Jean, FAB1, 11Gen, Rutilius. Parmi les blessés, les plus connus figuraient : le capitaine aviateur Georges Guynemer (1894-1917), le capitaine aviateur baron Shigeno Kiyotaké (1882-1924), le lieutenant aviateur Rossignol du Bellay (né en 1885), etc.

Dans le personnel soignant, l’équipe reconstituée des infirmières fut « épluchée » à la loupe. Seul le témoignage d’Odette Durand Du Rousset (1885-1972), l’artiste peintre « Dett », infirmière bénévole à l’hôtel Astoria fut retenu, en raison du patrimoine iconographique, légué par cette infirmière bénévole, aujourd’hui conservé par ses héritiers.

Les infirmières bénévoles civiles Croix-Rouge de l’hôpital japonais de Paris : ABNOUR, Madame Fernande d’ ; ALSACE, comtesse d’ ; AUBIGNY, comtesse d’ ; BONNEFONS Mademoiselle ; COUBERTIN, Madame Yvonne de (1893-1974), nièce de Pierre de Coubertin ; DAYOT, Madame Armand, née Lasry ; DURAND DU ROUSSET, Odette (1885-1972), dite "Dett", famille retrouvée par NHK ; FREMINVILLE, comtesse de ; KERMAINGANT, Mademoiselle de ; LARDENOIS, Baronne ; LE LASSEUR, née Marguerite de JANZE (1863-1952), baronne, infirmère-major ; LEDUC, Mademoiselle ; MONTHOLON, Princesse de ; NADEDJA, Mademoiselle ; PERCHE, Madame de la ; PLUNKETT, lady ; STANCIOF, Mademoiselle Fedora. Il est certain que la plupart de ces infirmières servirent tant l’hôpital japonais que celui de la Croix-Rouge britannique.

Le personnel infirmier n’apporta pas plus d’éléments documentaires : Les infirmiers militaires français de l’hôpital japonais (1915-1916) originaires de la 22e section d’infirmiers militaires de Paris : PERRET Louis, négociant, sergent ; GURY Henri, [négociant], caporal ; BUCKLE Léon, secrétaire, 2e classe ; MOKA Emile, pharmacien, [2e classe] ; DEVOUCOUX Georges, chirurgien-dentiste, [2e classe] ; DEMANTE [Georges]-Désiré, Prêtre, [2e classe] – [« de Versailles, né à Bennecourt, le 23 août 1877, curé de Cerny. Récupéré 22e SIM, hôpital japonais à Paris (1915) hospitalisé pour maladie (mars 1917). Mort du tétanos après trois jours de souffrances, le 2 juillet 1917 à Cerny. » extrait du Livre d’or du Clergé et des Congrégations…, p. 603, ne figure pas sur la base des « Morts pour la France », Memoiredeshommes ; VERDEAU Henri, Laitier, [2e classe] ; CLAUX Fernand, Préparateur en pharmacie, [2e classe] ; JACQUIER André, infirmier, [2e classe] ; CHARLES Edmond, employé, [2e classe] ; REBY Léon, [employé], [2e classe] ; SOUWEINE Fernand ; chirurgien-dentiste, [2e classe] ; JOLY Louis, magasinier [2e classe ?] ; COUDREAU Charles, dactylographe, [2e classe ?] ; LIBERT Isidore, Prêtre, [2e classe ?] ; FOSSE Théophile, Prêtre, [2e classe ?] ; WIESNEGG Eugène (1870-1930), officier d’administration de 2e classe du service de santé [gestionnaire]. Prêtre (1899) Vicaire général, Chancelier de l’archevêque de Paris. Démobilisé en 1919. A reçu une décoration japonaise en 1918. (Sa biographie sommaire dans : Le livre d’or du clergé et des congrégations…, p. 1006). A ces personnels l’on peut ajouter : MECRE Louis-René, interprète-stagiaire de japonais pour les Français, originaire de Yokohama où son père était médecin consulaire.

Poursuite de la recherche au SAMHA de Limoges…

En parallèle, Mme Funato poursuivaient ses recherches dans les fonds documentaires parisiens : bibliothèques, agences photographiques et cinématographiques, tant publiques que privées, tant civiles que militaires. Durant ce laps de temps je me déplaçais en précurseur au Service des archives hospitalières et médicales des armées à Limoges pour y travailler sur les pièces médicales de l’hôpital bénévole n°4bis. Si de prime abord le fonds des archives du HB 4bbis paraissait décevant en quantité d’archives conservées, il avait l’énorme avantage d’être complet, parfaitement inventorié et s’inscrivait dans une suite chronologique continue.

Sur les vingt registres ou carnets conservés à Limoges pour les périodes britanniques et japonaises (1914-1918) ; seuls deux registres en parfait état de conservation intéressaient notre recherche : Les références SAMHA n°2883 et 2886. L’ensemble documentaire auquel nous avons accédé, grâce au commandant Catherine Cathelineau, commandant le SAMHA et à Madame Nadine Lannelongue, chef du département « exploitation », réunissait 905 actes dont ceux de 27 décédés, en deux registres :

  • Registre des entrées (in folio ref. 2883, de 92 feuillets), du 11 décembre 1914 au 23 juin 1916. Ouvert le 16 février 1915, reprend à son ouverture 23 blessés, malades et convalescents « cédés » par la Croix-Rouge britannique qui l’avait précédé dans les lieux (11 décembre 1914-15 février 1915). Il est clôturé le 23 juin 1916 (acte n°905). La dernière entrée est celle du 2e classe Joseph Bruyère du 42e Bataillon de chasseurs à pied, blessé le 27 mars 1916 à Douaumont ; lequel avait fait un premier séjour de plus d’un an… à l’HB 4bis (du 3 avril 1915 au 3 juin 1916). Bruyère avait été précédemment évacué sur l’hôpital auxiliaire n°291 de la Ferté-Alais ; puis était revenu à l’hôpital japonais le 23 juin pour poursuivre son traitement à la fondation Michelham de la Croix-Rouge britannique, hôpital qui avait repris les locaux de l’hôtel Astoria.
  • Registre des décès (in folio ref. 2886), ouvert le 22 février 1915 par le docteur Shiota. Ce registre était commun aux formations hospitalières japonaise et britannique. Le chercheur peut accéder à la liste des décédés en consultant notre blog : ici.

L’analyse des archives médicales à Limoges a permis de dégager de nouvelles informations sur l’hôpital bénévole n°4bis de Paris :

L’HB n°4bis était une formation chirurgicale de 1ère catégorie immatriculée comme telle par le Gouvernement militaire de Paris car elle possédait trois chirurgiens de carrière (docteurs Shiota, Watanabe et Moteki) et était susceptible d’accueillir de grands blessés ou d’effectuer des « reprises » chirurgicales de haut niveau. L’HB n°4bis était une formation « mixte » accueillant, sans ostracisme, personnels Officiers et Troupe, logés séparément. La population accueillie était relativement jeune, de 20 à 35 ans, composée majoritairement de fantassins (ligne et territoriale), de « marsouins » (infanterie coloniale), de zouaves et de troupes indigènes (AFN). L’HB n° 4bis a accueilli, de 1915 à 1916, 905 hospitalisés dont 682 dans le cours de l’année 1915. Les hospitalisés, hormis quelques « malades parisiens », étaient des blessés de guerre – évacués secondaires, c’est-à-dire déjà opérés - relevant de la chirurgie, provenant des combats autour d’Arras et des offensives de Champagne qui arrivèrent par trains sanitaires, pour le plus grand nombre, du centre hospitalier de Châlons-sur-Marne. Ainsi 127 évacués entrèrent en mars 1915, 101 en mai 1915, 108 en septembre et 110 en octobre. Ils arrivaient à l’hôtel Astoria suivant le principe des « petits paquets » (par 10 à 20 évacués) adressés par le régulateur sanitaire du GMP à l’arrivée à la gare de Paris-La Chapelle. L’on trouvait cependant quelques exceptions au principe des « petits paquets », au pic des combats de Champagne : 50 évacués le 30 mars 1915, 37 évacués le 15 mai 1915, 34 le 29 septembre 1915, etc. En septembre-octobre 1915 lors des dernières offensives de Champagne et en mai-juin 1916, quelques évacués primaires (non traités) furent accueillis en provenance directe des hôpitaux d’évacuation (HoE), dont celui de Bar-le-Duc lors des combats de Verdun, affaires de Vaux et Douaumont. La troisième catégorie de blessés admise à l’HB n°4bis – à la marge, une vingtaine de cas – correspondait à de grands blessés prisonniers de guerre rapatriés d’Allemagne via la Suisse dont les blessures nécessitaient des « reprises chirurgicales ».

A leur sortie de l’hôtel Astoria, les blessés étaient dirigés majoritairement (60%) sur l’hôpital dépôt de convalescents (HDC) de Paris-Clignancourt qui servait de filtre médico-administratif (congés de convalescence, réforme, permission avant retour au front ou dans leurs familles, etc.) ; les autres hospitalisés – au long séjour - qui devaient libérer des lits chirurgicaux, allaient poursuivre leur traitement et leur rééducation dans les hôpitaux auxiliaires (HA) du GMP, dont les principales « filiales » de l’hôpital japonais furent : les hôpitaux auxiliaires (HA) n°202 de Colombes, HA n°217 d’Etampes, HA n°291 de la Ferté-Alais, etc.

Parmi les « V.I.P. » de l’HB n°4bis (périodes britanniques et japonaise confondues), l’on peut citer : l’as de l’escadrille des Cigognes, Georges Guynemer ; le futur Président du Conseil, André Tardieu (1876-1945), l’écrivain Joseph Kessel (1898-1979), le médecin radiologue Walter V. Keating-Hart (1870-1922) ; et nombre de membres du « gotha » parisien : les de Dampierre, Stoffels d’Hautefort, de Gail, de Lochner, de Bruyn, de Langlade, Manca de Vallombrossa de Morès, etc.

Sur le passage de Georges Guynemer à l’hôpital japonais de Paris. - extraits du registre des entrées, fol. 76, acte n° 750 – Engagé volontaire 1914, recrutement de Bayonne, âgé de 22 ans. Sous-lieutenant [depuis le 4 mars 1916] à l’escadrille N3/6e armée. Blessé par balle au bras gauche, le 13 mars 1916 au bois de la Gruerie (Marne). Entre à l’HB n°4bis le 14 mars 1916 [transporté par véhicule automobile]. Sortie le 16 avril 1916 sur l’hôpital dépôt de convalescents (HDC) de Clignancourt. Envoyé en permission chez ses parents à Compiègne.

L’aventure se poursuit…

L’aventure 2014 du HB 4bis s’est ensuite poursuivie par une série d’entretiens et de tournages à Paris, Pessac (famille Rossignol du Bellay), Pithiviers (famille Gibier, voir infra l’anecdote mentionnée par le Figaro), Verdun. Pour ce qui me concerne nous nous sommes revus, le 9 avril 2014, pour un long entretien dans les locaux du musée du service de santé des armées au Val-de-Grâce à Paris où nous avons échangé, entre autres sujets, sur les évacuations sanitaires et les infirmières japonaises en France.

« Anecdote » relayée par Emile Berr : « Les Japonais chez nous - L’ Astoria », extrait du journal Le Figaro, du jeudi 25 mai 1916.

« (…) le professeur Shihota me pardonnera d’être indiscret et de conter la plus récente : c'est d’un de nos officiers que je la tiens.

Un brigadier d'artillerie [19e RA], Henry G[ibier] était amené ces jours-ci de Douaumont [blessé à Douaumont le 10 mars 1916] à l’hôpital japonais, la poitrine défoncée par un éclat d'obus. Le cœur était effleuré ; et le blessé ne paraissait pouvoir être sauvé qu’au prix d’une opération très dangereuse. Le professeur demande :
  • La famille est-elle loin ?
On consulte la fiche du blessé :
  • A Pithiviers.
  • Quelle distance ?
  • Quatre-vingt-quatorze kilomètres.
  • C'est bien. J'ai le temps.
Et le chirurgien ordonne qu’on aille chercher les parents, afin qu'ils puissent embrasser leur fils. Il était huit heures du soir. L'auto mise à la disposition du professeur par le Service de santé part à toute vitesse. Mais des pannes se produisent en cours de route, et les pauvres parents n'arrivent à l'hôpital qu’à cinq heures du matin.

Le chirurgien les attendait. Pendant neuf heures un groupe d'infirmières était resté autour du lit, pour faire la compression du cœur. Elles se relayaient à ce dur travail de cinq en cinq minutes. Elles étaient exténuées. Mais les parents avaient embrassé leur fils vivant, et attendaient maintenant la fin de l'aventure... On porta le blessé sur la petite table de verre (devant le bas-relief de Rude !) et l’opération fut faite. L’artilleur est sauvé. - Emile Berr. »

L’aventure se terminait. Il était temps pour la NHK de mettre en ordre à Tokyo sa moisson française. Le résultat de cette enquête inédite a fait l’objet d’un « docu-fiction » de 55 minutes, de Kazuaki Tsujimoto, diffusé les 7 et 14 mai 2014 dernier au Japon sur la chaîne NHK, dans le cadre de l’émission historique du mercredi soir « Rekishi Hiwa Historia » ayant pour titre : « Paris : front de bataille des infirmières. La réalité de la 1ère Guerre mondiale, vue par les infirmières. » L’on peut s’informer sur cette série historique, en japonais Ici

En guise de conclusion

L’activité hospitalière japonaise de l’HB n°4bis se clôtura en juin 1916 ; la Croix-Rouge japonaise ne souhaitant pas relancer un quatrième « terme » de fonctionnement parisien d’autant que la mission japonaise de Grande Bretagne (hôpital militaire de Netley) était rentrée, quant à elle, à Tokyo depuis le 23 mars 1916… La mission quitta Paris le 11 juillet 1916 après des adieux émouvants qui réunirent l’ensemble de la communauté franco-japonaise de Paris et les nombreux blessés et malades qui avaient bénéficié des soins du « 4bis ». Une page de la coopération et de l’amitié franco-japonaise se tournait. Les locaux de l’hôtel Astoria furent repris presque aussitôt par la Croix-Rouge Britannique et l’Ordre de Saint-Jean qui y organisèrent un hôpital de 180 lits, appelé aussi « fondation Michelham ». Cette formation hospitalière fut inaugurée le 29 juillet 1916.

Hôpital bénévole n° 4bis, Fondation Michelham, Hôtel Astoria. Ouvert le 1er juillet 1916 et fermé le 1er décembre 1918, 180 lits – Médecin chef : docteur Charles Jarvis, assisté du chirurgien français Thierry De Martel et du docteur Mamlock. Directrice : baronne Le Lasseur. Matrone : Miss Mac Lean. Gestionnaire et commandant le détachement d’infirmiers militaires : lieutenant Beaucaire.
François OLIER lors d'un entretien au Val-de-Grâce pour la NHK dans le cadre de l'émission « Rekishi Hiwa Historia »

François OLIER lors d'un entretien au Val-de-Grâce pour la NHK dans le cadre de l'émission « Rekishi Hiwa Historia »

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