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Hôpitauxmilitairesguerre1418 - Santé Guerre

RAPATRIEMENT DES PRISONNIERS DE GUERRE (DECEMBRE 1918-FEVRIER 1919) - 2e PARTIE

9 Novembre 2018 , Rédigé par François OLIER Publié dans #les hommes, #varia

Retour des prisonniers à Cherbourg sur le "Batavia"

 

 

 

Retour vers la 1ère PARTIE - Présentation du service de santé de la Mission militaire française de Berlin (pp. 1-3)

 

 

 

 

 

 

JOURNAL DU SERVICE DE SANTE  - 2e PARTIE

Mission militaire française à Berlin, rapport du médecin-major de 1ère classe REHM (suite)

Personnel sanitaire de la Mission - Répartition du personnel médical - Médicaments - Commissions de contrôle des P.G. des frontières - Commissions maritimes.

 

" [p. 3, suite] 1° - Personnel sanitaire de la Mission

Du 9 au 19 décembre, il m'a été possible de rendre compte au Sous-secrétariat d'Etat du service de santé [SSESS] à Paris, par des résumés succincts, des évènements qui me semblaient devoir être signalés. Dès le 11 [décembre], prévoyant que je ne pourrais suffire à mener à bien , la tâche qui allait m'incomber. J'ai demandé au général Dupont l'adjonction d'un médecin. Le kriegsministerium a été invité à faire venir auprès de moi à Berlin, le médecin-major de 2e classe Mauran, prisonnier au camp de Graudenz. M. Mauran rejoint Berlin le 17 [décembre].

Dès le 20 décembre, absorbés entièrement tous deux par des appels téléphoniques ou des télégrammes nécessités par l'organisation du Service [p. 4], il nous est impossible d'adresser le moindre rapport au SSESS. Quelques télégrammes résumant les mesures prises pour assurer le bon fonctionnement du Service, sont adressés à Paris. La Commission d'armistice de Spa transmet au SSESS tous les télégrammes qui lui sont adressés avec la note "Aviser S.S. Santé Paris".

Me rendant compte dès les premiers jours qu'aucune des conditions prévues par l'Armistice ne pourra être remplie par les Allemands en ce qui concerne le convoiement des trains, les soins dans les camps, le transport des hospitalisés par trains sanitaires allemands, l'utilisation des voies fluviales et des transports maritimes, me rendant compte qu'il ne faudrait compter que sur nous-même pour sortir à tout prix d'Allemagne, nos malades et nos blessés, je décide d'organiser mon service d'après le plan suivant :

  • Répartition immédiate des médecins français dans les camps ; Convoiement des trains sanitaires et bateaux par ces médecins ; Distribution des médicaments dans les camps et lazarets ; Fonctionnement des Commissions des frontières ; Commissions maritimes ; création d'un organe médical dans chaque Corps d'Armée ; Hospitalisation des Prisonniers de guerre (PG) ; trains sanitaires ; autos sanitaires ; navires-hôpitaux ; Question des intransportables.

 

2° - Répartition du personnel médical

Le 16 janvier 1919, l'oberstabartz Becker du Kriegsministerium me remet enfin une liste de répartition du personnel médical français. [p. 5]  Près de 150 médecins sont rassemblés à Graudenz, Strasbourg, Prusse Orientale, et Kl. Wittenberg, inemployés. Une vingtaine seulement sont occupés dans les camps. Dès 220 signalés sur la liste, ces 170 seuls ont pu être utilisés. Les autres ont échappé à mon contrôle. La plupart d'entre eux se trouvant à la signature de l'armistice, dans la région Ouest de l'Allemagne, d'où ils ont gagné les lignes alliées.

La protestation énergique adressée au Kriegsministerium, au sujet de l'inutilisation de ces médecins qui ne demandaient qu'à secourir nos prisonniers délaissés par les médecins allemands a permis d'obtenir dans des limites de temps assez rapides, l'exécution de toutes les mesures que j'ai exigées.

J'ai pu me rendre compte, non sans émotion, de l'impression produite sur nos hommes par notre venue dans les camps. Mettant à profit les quelques heures dont j'ai disposé durant les premiers jours de mon arrivée à Berlin, je suis allé visiter les camps de Döberitz et de Zossen, ainsi que l'hôpital de l'Alexandrinenstrasse à Berlin. Je me suis rendu dans plusieurs baraques et me suis entretenu avec les hommes. Ils ne m'ont demandé que des choses très raisonnables : aucun n'a fait preuve de mauvais esprit, tous avaient la plus belle attitude militaire. Ils ont été très profondément touchés de ce que nous faisions pour eux et ils m'ont témoigné la gratitude qu'ils nous gardaient.

Quand on a visité un camp d'Allemagne, on a une idée d'ensemble de ce que peuvent être les autres. Ayant été fait deux fois prisonnier au cours de la campagne, j'en ai vu quelques-uns. Tout a été sacrifié au coup d'œil, à l'impression qu'en garderaient les neutres chargés de les visiter. Vastes baraques séparées les unes des autres par de grands espaces. Terrain sablonneux, généralement bien choisi, sur un lieu un peu élevé [p. 6] ; douches, feuillées. L'aspect général d'une monotonie désolante évidemment, ne manque pas cependant de laisser une impression de bonne organisation et presque de propreté.

La nourriture est partout notoirement insuffisante malgré le décompte scrupuleux des calories ingérées sous forme d'aliments que la nécessité seule vous permet d'absorber. Les colis et les dons venus de France ont heureusement, en grande partie, paré à cette insuffisance et sauvé la vie à nos soldats. Le travail a été particulièrement pénible dans certains kommandos où beaucoup de prisonniers, mal nourris, mal traités, sont morts. Si le prisonnier à souffert dans son corps, il a souffert davantage dans son âme, mais la rétine d'un délégué neutre enquêtant dans les camps ne pouvait fixer les vexations et les mauvais traitements infligés à nos prisonniers.

J'ai organisé le service sanitaire, de telle sorte qu'un ou plusieurs médecins se trouvent dans chaque camp de troupe.

Quelques-uns de ces praticiens ont rempli les fonctions de médecins traitants dans les lazarets de ces camps. D'autres se sont occupés exclusivement de la visite des P.G., et de l'amélioration des conditions d'hygiène.

Il leur a été recommandé tout particulièrement, de veiller au moment de l'évacuation des P.G., à ce qu'il soit procédé avant l'embarquement, au douchage, et à l'épouillage des hommes. Les premiers trains de valides ont été accompagnés par des infirmiers munis de médicaments et du matériel de pansements nécessaires en cas d'accidents. Cette manière d'opérer a permis d'assurer jusqu'au bout l'assistance médicale aux prisonniers restés dans les camps. Les médecins ont reçu l'ordre de n'accompagner que les derniers convois de valides dans chaque camp, en raison d'un médecin par train. Des médecins sont restés auprès des malades dans les lazarets des camps lorsque le nombre [p. 7] de ces malades était assez élevé ou lorsque les soins n'y étaient pas convenablement assurés par les médecins allemands.

Les médecins convoyeurs ont été invités à veiller à ce que des hommes trop fatigués, des grippés, des malades aigus et des intransportables ne cherchant à se glisser dans le train des valides au moment de l'embarquement. La ruée vers les trains a été si âpre qu'avant le fonctionnement de cette organisation, des accidents se sont produits. On comprendra facilement toute la difficulté du rôle du médecin chargé de dépister des malades, qui s'efforcent de ne point le paraître, dans l'espoir de rentrer dans leur Patrie.

Ces médecins ont été invités à signaler à l'arrivée à destination aux médecins des commissions de P.G. les malades apparus suspects de maladies contagieuses en cours de route. Ils avaient ordre de prévoir dans chaque train, 1 ou 2 compartiments d'isolement. Ils devaient laisser les malades graves dans une gare qui en assurerait l'hospitalisation et les signaler aux médecins de la commission de P.G.

Ils avaient ordre d'adresser un rapport sur leur mission au sous secrétariat d'Etat au service de santé, en rentrant en France […]

 

3° - Médicaments

A chaque délégation de prisonniers venus des camps auprès du général Dupont, et qui en fait de [la] demande, il a été remis dès le 12 décembre un paquet de médicaments et de pansements, prélevés sur ceux emportés de Paris, par la mission française et sur des dons reçus du comité de la Croix-Rouge Danoise, Suisse, et du département sanitaire de la mission anglaise [p. 8] Fin décembre 25 paniers n° 2 et 10 paniers n°1bis débarqués de l'El Kantara venant de France à Hambourg ont été reçus à Berlin et immédiatement répartis en Saxe, Bavière, 3ème et 4ème corps [d'armée].

Les paniers restés à Hambourg ont été sur mon ordre distribués dans les 10ème et 9ème C.A.

Les 2ème, 1er, 17ème et 20ème C.A. ont été ravitaillés en médicaments par les commissions de Stettin et de Dantzig.

Des représentants du Comité International de la Croix-Rouge de Genève nous ont remis fin décembre, des bidons d'huile camphrée, des ampoules auto-injectables, des tablettes de Digalène, des thermomètres, des verrres à ventouses et du Cognac. Distribution en a été faite aussitôt dans quelques camps où sévissait la grippe.

Les caisses de médicaments envoyées de Paris, par les soins du Service de santé ont été réparties dans les camps et les lazareths dès réception du premier envoi. Un deuxième envoi n'a été que partiellement utilisé, pour les besoins des malades restants, et pour venir en aide aux prisonniers italiens, roumains, serbes et russes de Lamsdorf atteints de maladie n° 22 (*).

Le colonel de la mission roumaine, un officier de la mission yougo-slave, un délégué de la mission géorgienne ayant fait appel à notre assistance, quelques paquets de médicaments, pansements et fortifiants leur ont été remis par nos soins.

Le 20 janvier, j'ai reçu 70 caisses de médicaments de la Croix-Rouge Française, six (6) d'entre elles ont été utilisées.

 

4° - Commission de contrôle des P.G. des frontières

  1. - Front germano-hollandais. Cette question a complétement échappé [p. 9] au contrôle de la Mission de Berlin. Le fonctionnement de cette commission a été réglé à la Haye par le général Boucabeille (**).

Des médecins et des infirmiers détachés de la commission médicale de Hambourg, ont été envoyés au général Boucareille, sur sa demande, pour renforcer son personnel médical.

  1. - Ligne du Rhin - Le Conrôle des P.G. rentrant par cette voie nous a complétement échappé aussi. Seul le médecin Baille de Rastatt, m'a envoyé quelques télégrammes, signalant le passage de P.G. ; valides ou le retour de trains sanitaires français.
  2. - Front germano-suisse - Le médecin-major Lesterlin m'a tenu très régulièrement et d'une façon parfaite au courant de tous les passages de P.G. valides ou malades par Constance.

La commission de Léopoldshöhe réduite à sa plus simple expression, ne nous a fourni aucun renseignement.

Les docteurs Chevillot et Tirel envoyés de France au moment où il était question de constituer à Lechfeld et Puchheim des camps de rassemblement ont été utilisés à Augsbourg.

 

5° - Commissions maritimes

Ces commissions sont arrivées dans les ports maritimes entre les 24 et 28 décembre.

Le rapatriement des P.G. par voies ferrées ayant acquis assez rapidement un développement intense, et imprévu par la Commission d'armistice, il en est résulté que le rôle des commissions maritimes s'est trouvé diminué. Les sous-commissions des ports fluviaux n'ont pas eu à fonctionner, aucun transport n'ayant été fait par bateaux fluviaux.

Le port de Brême n'a été utilisé que pour 2 embarquements. Deux médecins de la commission de Hambourg y ont été détachés quelques jours pour [p. 10] assurer ce service.

Copenhague devenant un centre de rassemblement de P.G. valides et malades amenés par des petits bateaux suédois et danois des ports allemands de la Baltique, une commission maritime y a été envoyée. Trois médecins y ont été adjoints, venant de Stettin et de Warnemünde.

Hambourg, Warnemünde, Stettin, Dantzig et Köenigsberg ont fonctionné, donnant un rendement réduit par rapport aux prévisions.

Au moment où j'ai procédé à la répartition des médecins français prisonniers dans les camps, j'ai désigné en même temps des médecins et des infirmiers pour assurer le contrôle médical des prisonniers dans les ports où quelques navires opéraient déjà.

Ces commissions médicales provisoires ont passé le service aux commissions médicales venues de France et les médecins qui les constituaient ont été utilisés pour le convoiement des navires de commerce allemands réquisitionnés, sur lesquels le service médical n'était pas assuré. D'autres médecins prisonniers ayant convoyé jusqu'aux bateaux, les P.G. venant des camps, ont constitué une réserve qui a servi au convoiement des navires. Une instruction a été remise aux médecins convoyeurs les invitant à s'assurer de l'observation des règles de l'hygiène à bord, à veiller à ce que le bien-être des hommes soit aussi complet que possible (couvertures, boissons chaudes, etc.), à s'assurer qu'il n'y avait pas de soldats trop fatigués avant le départ du paquebot et à passer 2 visites quotidiennes pendant le voyage.

Ils disposaient d'une infirmerie avec des couchettes en nombre suffisant, et de 2 ou 3 cabines d'isolement pour les suspects ? Ils étaient invités à adresser en débarquant, un rapport au sous-secrétariat d'Etat Service de santé Paris.

 

6 - Médecins français chargés dans les C.A. allemands de la Direction générale du service sanitaire français. [p. 11]

Les commissions médicales appelées à fonctionner auprès des commissions maritimes comprenant, du fait de la réduction du nombre des P.G. rapatriés par voie de mer, une quantité beaucoup plus élevée de médecins, il en est résulté qu'une R.P.S. a été disponible. Dix-huit (18) médecins seulement ont été affectés aux commissions des ports. Les autres m'ont servi à créer l'organisation très importante d'un service médical français fonctionnant dans chaque C.A.

Mes instructions ou mes demandes de renseignements aux médecins de certains camps parvenant mal à cause de la difficulté et de la lenteur des communications, j'ai employé des médecins attachés aux Généraux Kommandos comme organe de liaison avec ces camps.

Toutefois leur rôle le plus important a consisté à obtenir des autorités allemandes tous les renseignements utiles sur les malades devenus intransportables des C.A., à rassembler dans des centres les malades devenus transportables, à faire des tournées de contrôle dans des autos fournies par les Généraux Kommandos, à surveiller le passage des trains sanitaires français dans la traversée de leur corps d'armée ; à signaler sur mon indication aux médecins-chefs de ces trains les modifications à apporter à l'itinéraire de leur train, à diriger enfin les autos sanitaires venues de France, mises à leur disposition et à visiter tous les malades français intransportables restés dans leurs C.A.

J'ai été appelé, en raison des difficultés résultat d'un éparpillement très grand des médecins des camps, à constituer ce premier échelon de centralisation. Cela n'a pas suffi en raison de l'autonomie sinon proclamée, du moins existante de certaines régions de l'Allemagne et j'ai dû faire un groupement plus réduit comme les pointillés [p. 12] au crayon bleu l'indiquent sur la carte.

Le médecin-major de 2e classe Granier (prisonnier de guerre) a eu à s'occuper de la Bavière et du Wurtemberg. Il a été remplacé ensuite dans son service par le médecin-major de 2e classe Constant, primitivement affecté à la commission médicale de Brême, a assuré la direction de la Saxe et de la moitié sud du 5e C.A.

Un médecin de Dantzig s'est occupé des 1er, 17ème, 20ème, C.A. Un médecin de Stettin a fait le 2e C.A. Deux médecins ont été envoyés à Posen auprès des autorités polonaises et deux autres à Breslau.

Les 3ème, 4ème, 7ème, 10ème et 11ème C.A. étaient centralisés à Berlin.

Hambourg et Warnemünde se partageaient le 9ème C.A.

Tous ces médecins de C.A. avaient pour mission de me renseigner sur tous les mouvements de malades alliés par télégramme ou par téléphone, tous les 2 jours. C'est cette organisation qui nous a permis de sortir nos malades d'Allemagne, dans des conditions de rapidité qu'on n'osait espérer. Elle s'est opposée chaque fois que cela a été nécessaire, sur mon ordre, aux déplacements des malades alliés que les Allemands ordonnaient parfois sans rime ni raison, provoquant ainsi des perturbations dans la marche de nos trains sanitaires, dont il fallait sans cesse modifier l'itinéraire."

 

A SUIVRE

 

Notes :

(*) - Maladie n° 22 : typhus.

(**) - Général de brigade Bernard Boucareille (1872-1949). En 1918-1919, il est affecté à la Mission temporaire à La Haye, où il est membre de la légation de la république française en Hollande depuis le 13 juin 1916. Rayé des contrôles de l'armée d'active le 1er janvier 1919.

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