AA - LE SERVICE DE SANTE DE L’ARMEE ALLEMANDE (1914-1918)
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LE SERVICE DE SANTE DE L’ARMEE ALLEMANDE (1914-1918)
Les lecteurs assidus de mon blog qui au fil du temps apprécient nos « articles-témoignages » inédits sur le Service de santé dans le nord-est, en 1914, (Sedan, Montmédy, Lille, Lens, etc.) sont régulièrement « en contact » avec le service de santé allemand (ex. le dernier en date : « Bapaume 1914 » et les feldlazarette…). Aujourd’hui il est temps de partager, avec le lecteur, quelques aspects de son organisation et de son fonctionnement. Il n’est pas question dans ce blog d’en faire de longs développements mais de mettre à la disposition des lecteurs un résumé des différentes structures sanitaires allemandes qu’ils sont susceptibles de rencontrer. Il reste, bien entendu, que les aspects « Traitement » et « Hospitalisation » des blessés seront plus longuement décrits, d’autant que bientôt… les lecteurs de la collection des Hôpitaux militaires dans la Guerre 1914-1918 (éditions Ysec, 2014) auront l’occasion, dans le tome 5, à paraître, de côtoyer ces ensembles hospitaliers allemands en zone occupée, implantés dans les anciennes structures hospitalières françaises (1914-1915) dont nous traiteront.
J’ai largement emprunté à l’ouvrage fondateur de Laparra et Hesse leur description du Service de santé militaire allemand dans la Guerre mondiale. J’ai complété cette synthèse par un article extrait des Archives de médecine et de pharmacie militaires (tome LXXX, 1er semestre 1924, p. 525-538) et par des documents provenant des fonds du service historique de la défense de Vincennes et du Musée du service de santé des armées, au Val-de-Grâce à Paris (cf. sources, in fine). Ce cadre ainsi posé sera prochainement illustré par de nouveaux témoignages de médecins français prisonniers (à l'HoE de Saint-Gilles, Cambrai, Rethel, Jarny, etc.) qui ont décrit par le détail, à l’intention des services de renseignements français (2e bureau, section allemande), l’organisation et le fonctionnement du service de santé allemand ; rapports, que les « sanitaires » ont nourri de commentaires personnels et de comparatifs avec le service de santé militaire français qui sont inédits.
Notes sur l’organisation et le fonctionnement du service de santé de l’armée allemande (1914-1918)
Bataillon/Régiment : Ramassage – Mise à l’abri du soldat, au niveau de chaque compagnie d’infanterie, dans un « abri du service de santé » (Sanitätsunterstand). Premiers soins : Chaque bataillon a les moyens d’organiser un « poste de secours » (Truppenverbandplatz). Les postes de secours (P.S.) de bataillons peuvent être regroupés au niveau régimentaire en un P.S. unique de 20 à 30 blessés : premiers soins, premier triage avec établissement d’une « fiche de blessure » (Wundzettel) ou de maladie (Krankenzettel), injections antitétaniques, pansements, etc.
Les blessés légers sont dirigés sur l’infirmerie régimentaire ou de cantonnement (Regiments ou ortskrankenstube), puis de là vers un « point de rassemblement de blessés légers » (Leichtverwundetensammelplatz). Les autres blessés sont dirigés vers le « poste de répartition de malades et blessés » (Krankenverteilungsstelle) et de là envoyés au « poste de secours principal » (Hauptverbandplatz) par les moyens de la « compagnie sanitaire » (Sanitätskompanie). Cette compagnie correspond au Groupe de brancardiers divisionnaires (G.B.D.) français renforcé d’une ambulance.
Division : Triage et Traitement - La sanitätskompanie, à raison de 1 à 2 par division, est en charge du ramassage, du triage, du premier traitement des extrêmes urgences (E.U.) ; elle assure les évacuations et le transport sanitaires. Elle est chargée de l’organisation : d’un « point de stationnement de voitures sanitaires » (Wagenhalteplatz) ; d’un « centre de regroupement de blessés légers » (Leichtverwundetensammelplatz) ; d’un « poste de secours principal » (Hauptverbandplatz) où sont traités les extrêmes urgences.
Les blessés graves évacués sont arrêtés à « l’hôpital de campagne » (Feldlazarett), situé à 15 ou 20 kilomètres du front, installé dans une école, un château ou une église, etc.). L’on y traite les 1ères urgences (U.1). Les blessés ne peuvent y être conservés au-delà de 4 à 5 semaines. Les Feldlazarette assurent également les soins de proximité (lunetterie, soins et prothèses dentaires, etc.). En 1914, l’on trouve 12 feldlaz. par corps d’armée (C.A.) ; en 1916, deux feldlaz. par division et deux supplémentaires au niveau C.A. qui peuvent être spécialisés (gazés, vénériens, contagieux, etc.). Chaque feldlaz. qui comprend – théoriquement – 200 lits est aux ordres d’un médecin-chef qui dispose de 60 militaires : 6 médecins, 1 pharmacien, 9 à 12 sous-officiers infirmiers, 14 brancardiers, des aides-soignants et des soldats du Train pour s’occuper du parc hippomobile de la formation.
« L’hôpital de guerre » (Kriegslazarett) est installé dans les localités importantes situées en arrière de la zone des opérations, dans celle des étapes. Les Kriegslaz. sont des formations hospitalières d’infrastructure sédentarisées, de 300 à 400 lits, parfois de plusieurs milliers. Ils reçoivent les blessés directement des « postes de répartition de malades et blessés » (Krankenverteilungsstelle) pour des traitements immédiats (évacués primaires, non opérés, U.2 ou U.3) ou spécialisés (évacués secondaires, déjà opérés, E.U. ou U.1). Les kriegslaz. disposent de moyens chirurgicaux importants et de leur environnement technique (laboratoires, radiologie, etc). Les kriegslaz. sont groupés par 3 ou 4 dans un « détachement d’hôpitaux de guerre » (kriegslazaretteabteilung). Chaque C.A. dispose d’un kriegslazaretteabteilung dirigé par un « directeur des hôpitaux de guerre » (Kriegs.-Direcktor). Ces établissements et sa direction forment un kriegslaz.-dir. u Abt., en quelque sorte un centre hospitalier qui peut intégrer en plus des kriegslaz. des : « centre pour blessés légers » (Leitchkrankenabteilung), ainsi que des hôpitaux spécialisés : pour contagieux (seuchenlazarett,), typhiques (typhuslazarett), pour gazés, pour les prisonniers de guerre (kriegsgefangenenlazarett) ainsi que des moyens mobiles de buanderie (lazarettkriegswaschreien). Effectif : le kriegslazarettabteilung possède un effectif global fixe, composé de personnels militaires ou assimilés, dont 19 médecins, 1 dentiste et 3 pharmaciens, des infirmières (armee-schwester) renforcé d’une section d’hôpital (infirmière, cuisinières, etc.) provenant du « service volontaire de soins aux malades » (freiwillige krankenpflege) qui regroupe toutes les associations relevant de la Croix-Rouge allemande. « A la fin de la guerre, le personnel sanitaire des groupes d’hôpital de guerre (kriegslazaretteabteilung) comprenait environ : 40 officiers sanitaires, 3 pharmaciens, 6 dentistes, 9 inspecteurs d’hôpital, 50 sous-officiers, 150 infirmiers et de 50 à 150 infirmières. Il y avait des groupes d’hôpitaux atteignant 6 000 lits » (Magnoux). L’hôpital de guerre, formation sédentaire, nécessite pour son déplacement la mise en place d’un ou deux trains.
« L’hôpital d’étapes » (Etappenlazarett) établi au chef-lieu des étapes d’une armée est en charge des soins des malades et blessés des unités et services qui y sont stationnés ou les traversent. Effectif : 1 ou 2 médecins (éventuellement un civil) secondé par des volontaires du Freiwillige krankenpflege et du personnel civil y compris médical. A proximité se trouve un « centre de regroupement de malades et blessés légers » (Leichtkrankensammelstation). Exemples Etappenlaz. : Montmédy, Pierrepont, Tournai, etc.
Des établissements pour convalescents reçoivent les blessés et malades à leur sortie des hôpitaux de traitement , ce sont : des « sections de convalescents » (Genesungzug), des « détachements de convalescents » (Genesungsabt ou Genesenden-Abt.).
Cette zone accueille les blessés et malades évacués du front : évacuations primaires, 3e urgence (U.3) ou les évacuations secondaires provenant des kriegslaz. qui nécessitent une suite de traitement. Ce sont :
Les « hôpitaux de réserve » (Reservelazarette) qui sont d’anciens hôpitaux de garnison (Garnisonlazarette) et des hôpitaux auxiliaires (Vereinlazarette) constitués sur le modèle des kriegslaz. Exemples Res.laz. : Dieuze, Marcoing, Liesse, Grandpré, etc.
Les « hôpitaux d’association ou hôpitaux auxiliaires » (Vereinlazarette) qui fonctionnent avec des personnels civils sous le contrôle du service de santé militaire allemand (Nombreux exemples à Metz, Mulhouse, Strasbourg, etc.).
Les « hôpitaux de forteresse » (Festungslazarette) sont installés dans les régions fortifiées. Ce sont des hôpitaux militaires d’infrastructure (cas de Metz ou de Namur, par exemple) et/ou des hôpitaux auxiliaires (Vereinlazarette), organisés sur le même modèle que les kriegslaz.
Sources :
Laparra, Jean-Claude et Hesse, Pascal. Les chemins de la souffrance… Le Service de santé allemand. Saint-Mihiel – Hauts-de-Meuse – Woëvre – Metz, 1914-1918. Louviers : Ysec, 2004, 110 p.
Magnoux, M. traduction et adaptation, « Organisation du service sanitaire de l’armée allemande pendant la Guerre Mondiale », traduit de L’Oberstabartz Pflugmacher dans The Military Surgeon, avril 1924. Dans Archives de Médecine et de Pharmacie Militaires, t. LXXX, 1924, p. 525-538.
Service historique de la Défense, département Terre, Vincennes. Carton n° 9 NN 7/167, dont la transcription d’un article sur le service sanitaire de l’armée allemande (1914-1918), du docteur De Block, extrait du bulletin belge des sciences militaires, s.d., [ca.192.]
Musée du service de santé des armées, Val-de-Grâce, Paris. Carton n°262/1, documents allemands récupérés au Garnisonlazarett de Morhange et au Reservelazarett de Dieuze (1918).
Photo : Le kriegslazarett de Labry (Meurthe-et-Moselle), implanté dans la caserne de Geslin (ca. 1915).