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Hôpitauxmilitairesguerre1418 - Santé Guerre

DES « CIGALES » AUPRES DES BLESSES (1914-1918)

24 Octobre 2016 , Rédigé par Anne Simon-Carrière Publié dans #les hopitaux

 

Madame Anne Simon-Carrère, auteur de « Chanter la Guerre » nous fait l’amitié d’un billet sur la chanson et les Poilus blessés en 1914-1918. L’ouvrage de Madame Simon Carrère a déjà fait l’objet de recensions élogieuses (CRID1418, Clio, etc.) depuis 2014 date de sa sortie en librairie. Elle nous présente en quelques lignes cette thématique de la « chanson de guerre » laissée dans l’ombre qui mérite de rejoindre les « matériaux » indispensables à l’élaboration du dossier pédagogique sur les hôpitaux militaires dans la Guerre 1914-1918 dont nous proposons régulièrement des éléments originaux.

(François OLIER)

 

 

 

 

 

 

 

 

DES VOIX AU CHAMP D’HONNEUR : « CIGALES » AU FRONT (1914-1918)

 « L’artiste a toujours eu bon cœur » écrit Paris qui chante, la revue qui couvre l’actualité des concerts et théâtres, dans son numéro du mois de janvier 1918. « En temps de guerre, elle devait naturellement consacrer tous ses instants de liberté aux soins à donner à nos chers blessés, et, dès les premiers jours, elle se rendait à l’hôpital ». Cet hommage est rendu à toutes celles qui ont choisi, dès le début de la Grande Guerre de donner de leur temps pour soigner les soldats, sans pour autant abandonner leur métier. Dès lors, on les rencontre là où on les attendaient le moins, dans des lieux où régnaient la souffrance et la maladie. Nombreuses sont celles qui cumulent les fonctions d’infirmières après avoir suivi une formation comme des milliers d’autres femmes. Et le soir venu, elles renouent avec leur profession. Les séances commencent par la distribution des textes des chansons qu’elles vont interpréter, afin que les soldats présents puissent les reprendre en chœur. Les médecins militaires, d’abord réticents, finissent par reconnaître unanimement les bienfaits de ces concerts improvisés sur le moral des malades : « Un jour de joie aide à guérir » écrit le médecin-chef de « l’hôpital principal n°4 » à Bordeaux, le 24 janvier 1917 à la célèbre chanteuse Eugénie Buffet (1866-1934), que les blessés reconnaissants surnommèrent affectueusement la « caporale des Poilus ». Elle eut une influence déterminante sur la pratique du chant en milieu hospitalier: « Dès que je sentis le danger, écrit-elle dans ses mémoires, je me mis au service de la Croix Rouge, rue François Ier […] Je passai dans les premiers jours d’août mon examen d’infirmière […] Je fus équipée et je fus envoyée à Bizy […] ». Le 17 octobre 1914, le maire de Giverny confirme l’installation d’un hôpital où « les pansements sont faits et les soins donnés par monsieur le docteur Johnson et par mademoiselle Eugénie Buffet, infirmière principale ». La chanteuse voit les hommes souffrir, supplier et mourir. «  Un soir que le silence me semblait plus oppressant, l’air plus chargé de malheur, j’eus l’idée de distraire nos poilus en leur chantant une chanson […] Quelle magnifique intuition j’avais eue là ! On me fit venir dans tous les alentours pour réconforter les blessés. Je compris que j’avais une mission à remplir : chanter pour les soldats de France, pour le soulagement et le réconfort de nos blessés. Tous les soirs, après la soupe, je les endormais ainsi ». Dès lors, elle regagne Paris pour se mettre à la disposition des autorités militaires et offrir son concours aux principaux hôpitaux et formations sanitaires.

Elle fonde ainsi « L’œuvre de la chanson aux blessés » qui reçoit rapidement des subsides du gouvernement.  Une petite troupe se forme, qui se déplace d’un hôpital à l’autre.  De grands noms de la chanson féminine et de la scène y participent,  qui ne craignent pas d’aller chanter jusque dans les formations sanitaires situées pourtant non loin du front, sur les scènes improvisées du théâtre aux armées, dans des conditions d’inconfort extrême, où elles acceptent crânement d’être exposées au danger, comme le fit la grande Sarah Bernhard (1844-1923).

Une artiste lyrique de renom, Nelly Martyl (1884-1953) n’a pas hésité à quitter le confort de sa loge du théâtre de l’Opéra Comique pour s’engager à l’Union des Femmes de France où elle reçoit une formation d’infirmière, avant de rejoindre à Paris l’hôpital 106, d’être envoyée à Bar-le-Duc, puis au nord de Metz et sur le front italien. Elle prodigue ses soins aux blessés et s’avère, aux dires de ses supérieurs, une précieuse collaboratrice, ce qui ne l’empêche pas de faire la tournée des popotes pour redonner du courage aux combattants qui vont monter en ligne, en interprétant vieilles chansons françaises et chansons patriotiques. « Elle a autant de talent que de cran », disait d’elle le général Maud’huy en mai 1919, dans Metz enfin délivrée.

En marge des spectacles, les vedettes les plus connues mirent leur notoriété au service des blessés et des malades : Yvette Guilbert (1865-1944) participa à des ateliers de rééducation de l’audition pour les mutilés du tympan, Mistinguett (1875-1956) offrit son concours gracieusement lors de représentations au bénéfice d’œuvres destinées à aider les blessés et leurs familles.

L’engagement de ces artistes auprès des soldats blessés ou convalescents leur vaudra de nombreuses décorations et de multiples témoignages de reconnaissance

Si les interprètes masculins ont également participé activement à ces actions, c’est aux chanteuses que revient le mérite d’avoir imposé la chanson par leur courage et leur détermination pour verser l’apaisement et l’oubli au cœur des combattants.

Note : Eugénie Buffet, Ma vie, mes amours, mes aventures, éditions Eugène Figuière, 1930. Illustrations, dans l'ordre : Concert aux blessés à l'hôpital bénévole n° 53bis de Grenoble (Musée du service de santé des armées, Paris) - Madame Nelly Martyl (Gallica/BNF) - Théâtre aux armées, Le 341e RI à Jaillon, 1916 (coll. BDIC, VAL 165/178)

Anne Simon-Carrère, Chanter la Grande Guerre. Les « Poilus » et les femmes (1914-1919), préface de Yannick Ripa, Seyssel, Champ Vallon, 2014, 284 p. 

Présentation de l’ouvrage par l’éditeur :

« Août 1914, la France entre dans la Première Guerre mondiale. Relayée par le tocsin des cloches qui ne sonneront bientôt plus que des glas, la nouvelle se répand dans les villes et dans les campagnes… En l’espace de quelques jours, des milliers d’hommes dans la force de l’âge sont arrachés à leur foyer, à leur famille, à leur métier, à leurs amours.

Ces événements ont inspiré des milliers de chansons dont l’apport s’avère particulièrement précieux : dans un raccourci saisissant de deux à trois minutes, miroirs fidèles ou photos retouchées de la réalité pour les besoins de la propagande, elles évoquent ce que vécurent, au quotidien, les hommes et les femmes confrontés à la brutalité de la guerre et à ses exigences qui creusent l’écart entre les valeurs masculines et les valeurs féminines. Alors qu’au front les combattants doivent composer avec leur corps meurtris et redoutent l’abandon et l’infidélité, à l’arrière, gardiennes du foyer et de la famille, celles qui les attendent ne restent pas inactives : aux détours des couplets apparaissent la tourneuse d’obus, la mère courage, l’infirmière, la marraine, la chanteuse, qui toutes, impressionnent par leur bravoure et leur détermination. Ces êtres séparés sont aussi des êtres sexués et les chansons, sans pudeurs convenues ni mièvrerie, disent les attentes et les frustrations des couples, tout en relayant les incitations officielles à la maternité. Elles montrent de quelle façon la ségrégation imposée aux hommes et aux femmes a contribué à redéfinir les images traditionnellement admises du masculin et du féminin au sein de la société. Hésitant entre la dérision et la surprise, leurs auteurs se font l’écho de changements qui ont ouvert aux femmes des portes qui ne se refermeront plus. »

 


ACTUALITE

Le service historique de la défense organise le colloque "La Marseillaise, chant de guerre, chant de liberté", le vendredi 2 décembre 2016 à Paris, Balard.

ATTENTION "chant de liberté" mais accès réglementé, vivre ensemble oblige : Accès sur inscriptions, avant le 16 novembre 2016.

Mon actualité :

La sortie du tome 5 des Hôpitaux militaires dans la Guerre 1914-1918 est programmée en NOVEMBRE 2016 aux éditions Ysec de Louviers.

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