Surréalisme et hôpitaux militaires : Jacques Vaché à Brest (1914)
Jacques Vaché (1895-1919) hospitalisé sur l’îlot de Tréberon en rade de Brest (ca1914-1915).
Jacques Vaché fut incorporé le 15 décembre 1914 au 19e régiment d’infanterie de Brest. Cet écrivain, ami d’André Breton et « précurseur posthume » du surréalisme a été hospitalisé entre décembre 1914-et juin 1915, sur l’îlot de Tréberon, alors annexe de l’hôpital principal de la Marine de Brest. Dans une longue lettre adressée à sa tante, Madame Guibal, sans précision de date, il décrit sommairement son cadre de vie :
« Maintenant parlons de choses de ce monde : je suis malade [...] je suis dans un sanatorium à trois km en mer. J'y suis bien et renaît à la vie active - ainsi que peut t'en témoigner cette lettre incohérente – [...] Mon île déserte est une vrai île de roman de Conan Doyle. Toute petite, à peine 1 km. de tour, sans communication avec la terre, sauf par un rare bateau à vapeur, parfois empêché par le mauvais temps. Un vieux sanatorium, ancien asile de pestiférés, puis de lépreux, puis de tuberculeux. Des rochers à pic. Et puis comme malades dans cet étrange hôpital une bande [de] coloniaux et de marins abrutis par de trop formidables "bordées" et dont le plus innocent sort de Biribi. Enfin à la tête de tout cela un vieux médecin à cinq galons, invisible et taciturne [...]". Cette missive se termine par six croquis intitulés "quelques types de malades" ». [source : argusdubibliophile]
L’annexe hospitalière de Tréberon servait depuis 1689 de lazaret pour la réception des escadres atteintes de maladies contagieuses. Tout au long des XVIIIe et XIXe siècles elle fut utilisée par la Marine tout à la fois, pour servir d’espace quarantenaire bien souvent installé « sous tentes ou baraques » (fièvre jaune, typhus), mais aussi d’espace de relégation pour les chaînes de bagnards suspectes de maladies (1768), les prisonniers de guerre de l’Empire (1814), les galeux, etc. De 1826 à 1832, le lazaret reçut une « grande extension » ; il était susceptible d’accueillir 175 malades dont 25 officiers soignés par des officiers de santé, des infirmiers de la marine et des religieuses hospitalières. De 1856 à 1858, de grands travaux furent entrepris qui permirent au lazaret de fonctionner intensivement pendant la Guerre de 1870-1871 et d’hospitaliser les Communards emprisonnés sur les pontons de la rade. En 1909, la Marine y installa un sanatorium « provisoire » qui fonctionnait encore en 1914… et dont Jacques Vaché fut l’un des derniers occupants. L’établissement ferma le 21 octobre 1915.
Illustrations sur l'île de Tréberon : Voir le dossier magnifiquement illustré (85 photos) de Glad, le portail des patrimoines de Bretagne sur cette île, propriété de l’Etat (Marine Nationale), interdite d’accès :
Sources : M. Burel. Dans la rade de Brest, l’île de Tréberon et l’île des Morts, Bannalec : imp. régionale, 2003, 190 p. et Dr Cazamian. Le sanatorium provisoire pour tuberculeux de l’île de Tréberon (…), dans Archives de Médecine Navale, XCII, déc. 1909, p. 401-468.
Sur les Hôpitaux militaires et de la Marine de Brest, en 1914-1918, voir notre ouvrage, t. 1, p. 245-248.
Voir aussi sur ce blog les articles relayés par la blogosphère : Jacques Vaché à Nantes, article du 31 décembre 2012 et Jacques Vaché "en isolement" sur Trébéron (1915), article du 22 mars 2013