Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Hôpitauxmilitairesguerre1418 - Santé Guerre

LE SERVICE DE SANTE DE LA 35e DI A CORBENY (AISNE) EN SEPTEMBRE 1914 (2e Partie).

18 Septembre 2015 , Rédigé par François OLIER Publié dans #les hopitaux

Eglise de Corbeny (ca. 1914)
Eglise de Corbeny (ca. 1914)

Le service médical du 57e RI à Corbény (13-17 septembre 1914).

Vers la 1ère partie : 144e RI

Sur la situation médico-militaire et le déploiement des formations sanitaires de campagne du 18e corps d’armée autour de Corbeny, l’on se référera à l’introduction de la 1ère partie de l’article sur le service de santé de la 35e DI.

Le 57e Régiment d’infanterie dispose – ce qui est relativement exceptionnel – d’un journal des marches et opérations particulier pour son service médical. Celui-ci a été ouvert le 7 avril 1915 par le médecin aide-major de 1ère classe Tronyo, de retour de captivité, ancien médecin de bataillon qui venait d’être nommé médecin-chef du régiment. Tronyo a renseigné rétrospectivement le JMO pour les combats de Lobbes (22/08), Guise (28/08) et Corbeny qui nous intéresse aujourd’hui. A son départ du 57e (25 décembre 1916) le « JMO sanitaire » a été tenu avec soin par ses successeurs : les docteurs Ferron et Martinet, ce qui nous donne une masse documentaire de première importance sur l’organisation et le fonctionnement du service de santé d’un corps de troupe d’active, du 2 août 1914 au 12 septembre 1919.

Etat d’encadrement du service de santé du 57e RI (08-09/1914)

Médecin chef : Médecin major (MM) de 1ère classe Sonrier (Active), du 05/08/14-14/09/14), prisonnier (14/09) ; MM2 des troupes coloniales Le Boucher, du 22/09/14 au 04/03/15. Le MaM1 Tronyo, du 1er bataillon, à son retour de captivité (18/02/15), est nommé médecin chef (07/04/15).

– 1er bataillon : Médecin aide-major (MaM) de 1ère classe Tronyo (Active), Maux. Neveu.

– 2e bataillon : MaM Guignon (évacué pour épuisement, ca. 28/08/14), Maux. Planque.

– 3e bataillon : MaM1 Bonnefon, Maux. X (évacué pour épuisement, ca. 28/08/14).

Extrait du journal des marches et opérations du 57e régiment d’infanterie (13-17 septembre 1914)

[p. 43] 13 septembre 1914 – « Combat de Corbeny. Itinéraire Courlandon, Romain, Ventelay, Roucy, Pontavert. L’ennemi est signalé vers Craonne et Chevreux, Corbeny. Le régiment venant de Pontavert est arrivé en vue de Craonne au bas de la colline, à la lisière du bois qui s’étend à l’est aux pieds des hauteurs [p. 44]de Craonne et Chevreux, à midi. L’artillerie a commencé le combat vers 13 heures ; mais l’intensité maxima du feu de l’artillerie a eu lieu vers trois heures. Le 1er bataillon est à cheval sur la route de Pontavert à Corbeny à environ 2000 mètres de ce dernier village. Ce 1er bataillon est en tête de l’attaque. Le deuxième bataillon fait face au nord-ouest et utilise les couverts (bois) [p. 45] qui sont abondants en ces lieux aux pieds du plateau de Craonne. Le 3e bataillon est en réserve, plus en arrière. Le groupe sanitaire du 1er bataillon se trouve immédiatement en arrière des compagnies 1, 2, 4 et à gauche de la troisième compagnie placée de flanc à l’est. Le groupe sanitaire du 2e bataillon se trouve en arrière de son bataillon, c’est-à-dire à la lisière sud du bois de Chevreux. [p. 46]Le groupesanitaire du 3e bataillon est très en arrière. Le médecin chef de service qui était à la ferme du Temple, quitte cette ferme et se porte à 600 mètres en avant d’elle derrière une meule de paille. A 16 heures pendant le feu intense de l’artillerie française quelques blessés légers par balle arrivent aux groupes sanitaires des bataillons et sont dirigés en arrière vers [p. 47] la ferme du Temple. A 17 heures le premier bataillon se porte en avant et marche en tête pour l’attaque du village. Sa gauche s’appuie sur la lisière est du bois de Chevreux ; sa droite arrimé à la route de Pontavert à Corbeny. La fusillade est vive, quelques blessés sont ramenés en arrière. Le deuxième bataillon appuie l’attaque du premier [p. 48] A 18 heures l’attaque du village par le 1er bataillon est menée vivement. Quelques blessés tombent à la lisière sud du bois de Chevreux, blessures par balle ; l’artillerie allemande ne donne pas dans cette journée. Dans la plaine située au sud de Corbény, on voit la ligne de tirailleurs du 1er bataillon s’avancer par bonds. Le médecin aide-major du 1er bataillon et le médecin [p. 49] du 2e bataillon (Dr Planque) ont établi un petit poste de secours à côté de la corne sud-est du bois de Chevreux. Quelques blessés sont emmenés et pansés. A 18h 1/2 le premier bataillon rentre dans Corbény et s’en empare. La nuit est presque tombée. Le médecin du 1er bataillon fait avertir le médecin chef que le village est pris et lui demande du matériel et les [p. 50] musiciens. Le régiment (1er et 2e bataillons) cantonne à Corbény. En route, en […] au village, musiciens et brancardiers portent les blessés sur la route. Tout le personnel médical avec blessés se rend à Corbény. Il est 19h1/2 environ. Dans le village nous trouvons derrière l’église quatre morts et une douzaine de blessés du 1er bataillon. Tout le mal a été fait [p. 51] par un obus français tombé dans le village au moment de l’attaque à la baïonnette de Corbény par le 1er bataillon. On décide de former le poste de secours à l’église où se trouve le matériel de couchage nécessaire (matelas), car la deuxième section de l’ambulance de la garde impériale allemande s’était installée à l’église et à la mairie de [p. 52] Corbény avant nous. Les blessés sont portés à l’église. La plus grande partie des morts et des blessés de la journée [p. 53] appartiennent au 1er bataillon ; au total nous comptons une trentaine de blessés et 8 morts, à la mairie (*) nous trouvons une vingtaine de blessés allemands gravement atteints avec cinq infirmiers et un médecin de réserve (stabartz). Le personnel médical allemand et les blessés allemands sont traités avec tous les égards possibles [p. 54] Vers minuit le groupe divisionnaire de brancardiers [Groupe de brancardiers divisionnaires n° 35] arrive et emporte nos blessés vers l’arrière.

14 septembre (capture du personnel médical et du matériel sanitaire) – (Deuxième journée du combat de Corbeny). Au matin, dès 7 heures, le combat reprend. Les Allemands attaquent en force et cette fois avec l’artillerie et l’infanterie à la fois. Le premier bataillon est au nord du village (la 3e compagnie dans le village même). Le deuxième bataillon au [p. 55]nord-ouest de Corbény ; le 3e bataillon au N.-E. Médecins auxiliaires et brancardiers fonctionnent et transportent les blessés au poste de secours, c’est-à-dire à l’église. Notre poste de secours unique fonctionne normalement. Les voitures médicales des 3 bataillons sont rassemblées sur la place de l’église. Vers 8 heures arrivent les brancardiers divisionnaires qui emportent les blessés allemands et quelques-uns de nos blessés. [p. 56] Le combat devient de plus en plus vif. Le cdt Picot du 1er bataillon et le lieutenant-colonel Debeugny cdt le régiment retiennent en permanence près de l’église leur poste de commandement. Nous recevons des blessés que nous rangeons au fur et à mesure sur les matelas dans l’église après soins et pansement. Le général de brigade Pierron, le colonel cdt le 57 se tiennent près de l’église ; le médecin chef de service [p. 57] s’entretient avec eux. La situation paraît délicate ; mais aucun ordre, ne nous est donné soit par le médecin-chef soit par le colonel. Confiants nous continuons notre travail. Vers 11 heures arrive porté par les brancardiers le capitaine Pougnet mortellement blessé d’une balle au ventre (région épigastrique). Vers midi, le lt-colonel Debeugny vient voir le capitaine [p. 58] Pougnet. Un instant après le général Pierron vient aussi. Vers 13 heures, la 3e compagnie de garde au village s’en va. Sentant que la retraite se fait de plus en plus probable, nous dressons une liste du personnel médical qui devra rester avec les blessés. Nous donnons l’ordre à une partie des brancardiers et à plusieurs blessés qui peuvent marcher de se retirer au sud-est de [p. 59] Corbeny dans la direction de la Ville-aux-Bois. Parmi eux partent le sous-lieutenant Tratour et l’adjudant Peublecourt. Mais beaucoup de ces brancardiers et éclopés nous reviennent un instant après ; pendant que nous faisions nos préparatifs de départ, et nous déclarent que toutes les issues du village sont balayées par l’infanterie et l’artillerie allemandes. [p. 60] Encombrés par tout notre matériel (les 3 voitures médicales du régiment) notre possibilité de retraite devient de plus aléatoire. Nous avons en ce moment une cinquantaine de blessés. Le capitaine Pougnet va de plus en plus mal : faciès péritonéal, pâleur du visage, pouls très rapide et faible. Le capitaine est mort à 15h30. Nous ne croyons pas cependant à l’occupation du village par les Allemands. [p. 61] Malheureusement cela devait arriver et à 14h30 environ le village ou du moins la Grand rue du village est envahie par les Allemands. Nous voyons par la porte de l’église une troupe allemande d’une trentaine d’hommes s’avancer prudemment de l’extrémité de la Grand rue, face à l’église. Bientôt ils ne sont plus qu’à une trentaine de mètres de l’église. [p. 62] Pour éviter tout accident ou méprise malheureuse pour les blessés couchés à l’intérieur de l’église, le médecin aide-major Tronyo sort de l’église et s’avance au-devant des Allemands. Ceux-ci sont corrects et pénètrent dans l’église. Nous étions prisonniers. Ainsi tout le personnel médical et tout le matériel médical du 57e tomba entre les mains des Allemands.[p. 63]Comment sommes-nous tombés entre les mains de l’ennemi ? Nous croyons pouvoir invoquer les raisons suivantes : le régiment poursuivait l’ennemi après la bataille de la Marne, le service médical s’est tenu trop au contact des bataillons. Tout au moins, s’il n’y a pas d’inconvénients (ou plutôt des avantages) à ce que les médecins des bataillons suivent leurs bataillons respectifs en liaison étroite, le matériel [p. 64] médical régimentaire c’est-à-dire les trois voitures médicales, doit suivre à distance respectable pour ne pas être englobé dans les péripéties de la lutte. C’est ce matériel qui nous a attachés à notre poste de secours à Corbeny et voyant que nous ne pouvions sauver ce matériel, nous avons couru l’ultime chance de la reprise du village par les Français et attendu la dernière minute.[p. 65] Le matin vers 9h quand déjà l’on sentait et l’on […] que la retraite était inévitable, il eût fallu transporter le matériel, toutes les voitures au sud de Corbeny vers la direction de la Ferme du Temple et de la Ville-aux-Bois. Les médecins, infirmiers, brancardiers transportant la majeure partie des blessés auraient pu se replier, non sans danger, vers midi et tout était sauvé. [manque p. 66-67 de la relation sur le JMO en ligne]

[…] [p. 68] il a soigné des blessés allemands transportés en grand nombre au poste de secours tout en continuant à donner des soins aux blessés français. Le soir même du 14 septembre, les médecins du 144e regt d’infanterie tombés comme nous entre les mains des Allemands avec leur matériel viennent se joindre à nous et nous ne formons plus qu’un seul poste de secours. Parmi eux, le médecin major de 1ère classe [p. 69] Rambaud, chef de service, et le médecin aide-major de 1ère classe Sieur. Nous fûmes obligés pour nourrir nos blessés et même les blessés allemands d’acheter au village des moutons et des pommes de terre (**). Le 17 [septembre] au soir le personnel médical français (médecins, infirmiers et brancardiers) étaient dirigés sur Laon d’où le lendemain ils s’embarquaient pour Cassel et Erfurt. » (…)

Le régiment quant à lui se replia, le 14 septembre vers midi, sur la Ville-aux-Bois où se déroulèrent de sérieux combats toute la journée du 15.

FIN

Notes :

(*) le MM2 Sonrier précise dans son rapport (cf. sources) que les blessés allemands se trouvaient dans une salle d’école derrière la mairie.

(**) Sonrier précise aussi que les morts trouvés le 13, furent enterrés dans le jardin du presbytère ; que les couchages et autres matelas de l’église avaient été fournis par la population et qu’en matière d’alimentation, outre les deux moutons et les pommes de terre achetées et payées par le docteur Rambaud (médecin chef du 144e RI), les Allemands fournirent « quelques maigres soupes » ; il signale aussi l’empathie d’un médecin allemand (docteur Ahreiner) d’origine alsacienne qui fit servir un déjeuner…

Sources : Service historique de la défense, Vincennes, 26N 646/10, JMO service médical 57e RI, tome 1, du 02/08/14 au 31/07/15 (relation Tronyo) [lien @].

Cette relation du JMO est à rapprocher du rapport du docteur Jean Tronyo conservé dans les archives du musée du service de santé des armées, Val-de-Grâce à Paris, carton 641, dossier 17 – autres rapports : ceux du médecin chef du régiment, le docteur Sonrier (carton 640, dossier 52), du docteur Bonnefon (carton 634, dossier 11).

Vous pourrez découvrir en détail l’épopée du 57e RI (1914-1918) en consultant le blog incontournable de M. Bernard Labarbe.

Se référer à la carte de situation :

http://www.carto1418.fr/target/19140913.html

Mémoire des Hommes, extrait du JMO du 57e RI (service de santé) 26N646/10, t. 1, p. 52.

Mémoire des Hommes, extrait du JMO du 57e RI (service de santé) 26N646/10, t. 1, p. 52.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article